Plongés dans la guerre malgré eux, que deviennent les enfants de djihadistes ?

Enfants de l'État Islamique
Des opérations de rapatriement
La Cour européenne des droits de l'Homme veille au grain
Certains pays ont déjà rapatrié un grand nombre de leurs ressortissants
Pas de politique commune
Un long travail de réadaptation
Une réintégration souvent réussie
Détresse émotionnelle
D'autres enfants sont toujours dans des camps syriens
Centre de réhabilitation d'Orkesh
De retour sur les bancs de l'école
À quoi ressemble leur quotidien ?
Les
Ils rêvent d'être rapatriés
Daesh veut contre-attaquer
Est-il vraiment préférable de laisser ces enfants dans les camps ?
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Enfants de l'État Islamique

Leurs parents sont partis faire le djihad en Syrie alors qu'ils n'étaient que de jeunes enfants. Contraints de les suivre, ils ont vécu dans un monde austère, où la peur et la violence extrême étaient leur quotidien. Que deviennent aujourd'hui ces enfants élevés dans la guerre ?

Des opérations de rapatriement

Depuis 2019 et la chute de l'État Islamique, des dizaines d'opérations de rapatriement ont été organisées, notamment en Europe. Plusieurs centaines de femmes et d'enfants de djihadistes, détenus dans des camps syriens, ont ainsi pu retourner dans leur pays d'origine, bien que la question divise.

La Cour européenne des droits de l'Homme veille au grain

La France, qui compte en Europe, avec la Belgique, le plus grand nombre de ressortissants partis combattre en Syrie, selon le site d'information Euractiv, avait d'abord refusé de rapatrier ses citoyens, avant de mener une politique du cas par cas. En septembre 2022, la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) a pointé du doigt la doctrine française, stipulant que "nul ne peut être privé d’entrer sur le territoire de l’État dont il est le ressortissant". Plusieurs rapatriements collectifs ont donc été mis en œuvre depuis.

Certains pays ont déjà rapatrié un grand nombre de leurs ressortissants

D'autres pays, dont le Danemark, la Finlande, l'Allemagne, le Kazakhstan, le Kirghizistan, la Russie, la Suède, le Tadjikistan, les États-Unis et l'Ouzbékistan, ont déjà rapatrié la plupart de leurs ressortissants, comme le rapporte l'ONG Human Rights Watch.

Sur cette photo : Manja Kliese, chef de la délégation allemande, rencontre des responsables kurdes du côté syrien du poste-frontière de Semalka, en août 2019, dans le cadre du premier rapatriement d'enfants vers un pays européen.

"Les enfants sont aussi des victimes de l'État Islamique"

"Les enfants ne sont pas responsables des décisions fatales prises par leurs parents", a déclaré Annalena Baerbock (photo), ministre allemande des Affaires étrangères, en octobre 2022. "En fin de compte, les enfants sont aussi des victimes de l'État Islamique. Nous ne devons donc pas les abandonner dans les camps du nord-est de la Syrie", a-t-elle ajouté.

Pas de politique commune

Il n'existe pas de politique commune concernant l'accueil des mères et des enfants en Europe, et chaque pays mène sa propre stratégie. Cependant, les femmes sont généralement incarcérées dès leur arrivée sur le territoire national. De leurs côtés, les enfants sont pris en charge pour être désendoctrinés et réinsérés progressivement dans la société.

Un long travail de réadaptation

Les enfants rapatriés sur le sol français sont d'abord confié à l'Aide sociale à l'enfance (ASE) avant d'être placés dans des structures d'accueil. Ils reçoivent ensuite un suivi psychothérapeutique et tentent de renouer petit à petit le lien avec leur famille d'origine restée en France.

Une réintégration souvent réussie

Un rapport publié en 2022 par Human Rights Watch, intitulé “My Son is Just Another Kid” (en français, "Mon fils est un enfant comme les autres"), souligne le fait que, malgré les épreuves auxquelles ils ont survécu à la fois sous l'État islamique, puis en captivité dans les camps syriens, beaucoup d'enfants se réintègrent avec succès dans la société.

 

"Beaucoup se réintègrent remarquablement bien"

"Les enfants sauvés des horreurs des camps réussissent bien à l'école, se font des amis et se construisent une nouvelle vie dans leur pays d'origine", a déclaré Jo Becker, directrice de la défense des droits de l'enfant à Human Rights Watch. "Malgré des souffrances inimaginables, beaucoup se réintègrent remarquablement bien."

"Une nouvelle chance dans la vie"

Dans ce rapport, le grand-père de plusieurs enfants rapatriés en Suède en 2019 déclare : "Il est possible, tout à fait possible, de réintégrer et de récupérer les enfants. Mes petits-enfants en sont la preuve. Ils se sont rétablis de la manière la plus incroyable qui soit. Tous les enfants devraient avoir la possibilité de se voir offrir une nouvelle chance dans la vie."

Détresse émotionnelle

Toutefois, l'ONG indique que "les choix politiques de certains gouvernements ont rendu la réintégration plus difficile". En effet, certains enfants souffriraient d'une détresse émotionnelle et psychologique provoquée par la séparation brutale d'avec leurs mères à leur arrivée dans le pays d'origine. C'est notamment le cas en France, en Belgique, aux Pays-Bas et en Suède.

D'autres enfants sont toujours dans des camps syriens

Mais tous les enfants de djihadistes n'ont pas eu la chance de rentrer dans leur pays natal. Nombreux sont ceux qui, depuis des années, sont détenus dans des camps dans le nord-est syrien, dirigés par les autorités kurdes.

Centre de réhabilitation d'Orkesh

Les journalistes de l'émission 'Envoyé Spécial', diffusée sur France 2, sont partis à la rencontre de ces enfants restés en Syrie. Pour cela, ils se sont rendus dans le centre de réhabilitation d'Orkesh, niché dans le Kurdistan syrien. Cette prison de haute sécurité accueille une centaine de jeunes garçons, âgés de 12 à 21 ans, dont les parents étaient des combattants étrangers de l'État Islamique.

De retour sur les bancs de l'école

Venus des quatre coins du monde, ces jeunes ont été plongés dans la guerre malgré eux, en suivant leurs parents partis faire le djihad. Désormais, ils vivent dans ce centre de réhabilitation, où ils suivent des cours de mathématiques, d'arabe et d'anglais, et restent enfermés 16 heures par jour.

À quoi ressemble leur quotidien ?

Tout contact avec l'extérieur leur étant interdit, leurs occupations se résument à faire du sport, à jouer au babyfoot et à regarder la télévision, où passent en boucle des programmes enregistrés.

"Mon père est un terroriste"

Au cours de leur reportage diffusé en avril 2024, les journalistes de 'Envoyé Spécial' ont interviewé plusieurs jeunes français, dont Adem, 21 ans. En 2015, son père, Fabien Klein, a revendiqué les attaques du 13 novembre, perpétuées à Paris. "Pour moi, mon père est un terroriste. Je lui en veux parce que c'est lui qui m'a ramené en Syrie (...) J'espère que les Français savent que moi, je n'ai rien à voir [avec les attentats, ndlr]. Je suis une victime, je n'ai rien fait, je ne suis jamais allé au combat", clame le jeune homme.

Les "lionceaux du califat"

D'autres jeunes du camp, interrogés par les journalistes, ont combattu pour l'État Islamique en intégrant les "lionceaux du califat", un groupe d'enfants soldats âgés de 9 à 15 ans, façonnés pour la guerre. Les centres de réhabilitation ont pour but de les déradicaliser.

Ils rêvent d'être rapatriés

Aujourd'hui, tous rêvent de retourner dans leur pays d'origine. "On se sent en dehors du monde. Des fois, j'ai l'impression d'être en mode "pause" et d'attendre que quelqu'un vienne me mettre en mode "lecture" pour recommencer ma vie et pouvoir avancer", confie Adem. "Notre avenir est en train de se volatiliser. Depuis que nous sommes petits, la France nous dit que nous sommes des enfants de la République, mais pour moi, c'est juste un mensonge, sinon ils nous auraient rapatrié depuis le début", déplore Elias, un franco-marocain de 19 ans.

Daesh veut contre-attaquer

Le futur de ces jeunes est plus que jamais incertain. D'autant que Daesh planifie régulièrement des attaques contre ce camp. "Nous sommes inquiets, car les djihadistes savent que nous travaillons à la rééducation de leurs enfants. Et ça, ça met Daesh très en colère'', explique Khaled Remo, directeur du centre d'Orkesh. "Ces combattants s'efforcent jour et nuit de planifier des attaques contre notre centre et vise les gens qui travaillent avec nous et tous ceux qui travaillent sur le programme de réhabilitation."

Est-il vraiment préférable de laisser ces enfants dans les camps ?

Pour Jo Becker, de Human Rights Watch : "Le plus grand risque n'est pas de ramener les enfants chez eux, mais de les laisser dans les camps où ils risquent la mort, la maladie, le recrutement par ISIS et la détention indéfinie pour les crimes présumés de leurs parents."

Une "urgence"

Elle ajoute : "Les pays dont les ressortissants se trouvent dans les camps devraient de toute urgence les autoriser à rentrer chez eux et faire de leur mieux pour que les mères et les enfants restent ensemble."

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