L'Amazonie brûle sous nos yeux : le mois de septembre pourrait être l'un des pires de l'histoire

Depuis le début du mois d'août, les incendies se multiplient en Amazonie brésilienne. Jamais la forêt amazonienne n'avait autant brûlé en douze ans. Et ce mois de septembre pourrait être l'un des pires de son histoire...

D'après les images des satellites, la zone touchée par les flammes se situe près de la ville de Porto Velho au Brésil, entre les États de Rondonia, d’Acre et d’Amazonas, et non loin des frontières avec le Pérou et la Bolivie. C'est une région de la taille de l'Espagne qui est actuellement en train de partir en fumée.

L’Institut national de recherches spatiales (INPE) a identifié 33 116 foyers d'incendie pour le seul mois d'août 2022. Ce chiffre record n'avait plus été atteint depuis septembre 2010.

En outre, il s'agit d'une augmentation de 18% par rapport au mois d'août 2021. L'an dernier, l'INPE avait relevé 28 060 départs de feu en Amazonie à la même époque. Un chiffre qui était déjà très - trop - élevé.

Pour la seule journée du 22 août 2022, l'INPE a détecté 3 358 foyers d'incendie dans la forêt tropicale. Un autre chiffre record, qui n'avait pas été atteint depuis 2007.

Le nombre d'incendies recensé le 22 août dernier est trois fois plus élevé que celui du 10 août 2019, qui avait pourtant été qualifié de "journée du feu", après que les agriculteurs brésiliens ont lancé une opération de brûlis dans le nord-est du Brésil. À l'époque, les nombreux incendies qui s'étaient propagés dans l'Amazonie brésilienne avaient déjà inquiété le monde entier.

Mais ce n'était rien face à 2022, qui est d'ores et déjà une année terrible pour la forêt amazonienne, le "poumon vert" de notre planète. L'INPE a enregistré sur les huit premiers mois de l'année (janvier à aout) un total de 46 022 foyers de feux, soit 16% de plus par rapport à la même période en 2021.

Et les feux sont loin d'être finis, bien au contraire. Au début du mois de septembre, les satellites ont repéré 18 374 foyers d'incendie en sept jours. C'est plus que pendant tout le mois de septembre 2021. Ce jeudi 15 septembre, on peut encore voir sur les satellites une épaisse fumée se dégager de la forêt.

Photo : Zoom Earth, le 15 septembre 2022

D'après les experts, l'origine de ces incendies n'est pas naturelle. Selon Mariana Napolitano Ferreira, de WWF Brésil : « Cette augmentation effrénée du nombre des incendies ces quatre dernières années est étroitement liée à la hausse de la déforestation. »

« La forêt amazonienne est tropicale et humide. Le feu ne fait pas partie de son cycle naturel. Les incendies n'arrivent pas de façon spontanée, ils sont toujours liés à des actions humaines », explique Mariana Napolitano Ferreira.

Toujours selon les experts, les incendies seraient déclenchés volontairement par les agriculteurs et éleveurs brésiliens, qui cherchent à gagner du terrain. La déforestation leur permet notamment d'installer de nouveaux élevages de bétail. Les terres sont aussi utilisées pour cultiver du soja, qui sert principalement à nourrir le bétail.

D'après les données de DETER (Deforestation Detection in Real Time) repris par l'INPE, 3 988 km² ont été déboisés en Amazonie brésilienne, rien qu'entre janvier et juin 2022. Un record depuis 2016, année des premiers relevés du système DETER.

L'Amazonie est le plus grand réservoir de biodiversité au monde. La forêt tropicale héberge 40 000 espèces de plantes, 3 000 espèces de poissons d'eau douce et plus de 370 espèces de reptiles. Un trésor précieux qu'il convient de préserver à tout prix.

"Dans chaque hectare de forêt vivent près de 200 espèces différentes, dont beaucoup sont encore inconnues. Il s'agit de réserves de biodiversité uniques. Quand leur habitat est détruit, il est perdu pour toujours. Il ne pourra pas être restauré, ou recréé. C'est une perte inestimable", expliquait en 2019 Philippe Cais, chercheur au Laboratoire des Sciences du Climat et de l'Environnement de l'Institut Pierre Simon Laplace.

Comme le souligne Philippe Grandcolas, écologue au CNRS, la reforestation peut permettre de maintenir le climat local, mais ne serait pas suffisante : "Quand on reforeste une région où il y a un vide total de forêt autour, on ne retrouve pas la biodiversité forestière : 95 % des animaux et des plantes qui vivaient dans ces espaces seront définitivement perdus. La plupart des espèces ne sont pas capables de revenir à distance, car très sédentaires."

Mais ce n'est évidemment pas la seule conséquence des incendies en Amazonie. Si l'impact est immense au niveau local, il l'est également à l'échelle mondiale.

Au-delà de la perte d'écosystèmes entiers, les incendies en Amazonie provoquent l'accélération du réchauffement climatique. "Les forêts tropicales stockent le carbone. Quand elles brûlent, elles rejettent d’immenses quantités de CO2 dans l’atmosphère", expliquait Clément Sénéchal, porte-parole climat de Greenpeace France en 2019 au micro d'Europe 1.

Étant la forêt tropicale la plus grande du monde, l'Amazonie absorbe chaque année 14% du CO2 mondial selon WWF, contribuant ainsi à réguler le réchauffement climatique.  Mais avec la déforestation, sa capacité d'absorption de CO2 baisse. Pire, les feux rejettent désormais plus de CO2 que la forêt n'en absorbe.

Selon les défenseurs des droits de l'environnement, Jair Bolsonaro est le premier responsable de cette déforestation massive. Depuis son arrivée au pouvoir en janvier 2019, la déforestation moyenne annuelle en Amazonie brésilienne a augmenté de 75 % par rapport à la décennie précédente, et son rythme a été multiplié par quatre.

Le président d'extrême-droite n'a pas l'air concerné par l'écologie, bien au contraire. Depuis qu'il est à la tête du Brésil, Bolsonaro encourage les activités agricoles en zones protégées. Ainsi, près de 85% de la déforestation en Amazonie serait aujourd'hui liée au secteur agricole.

Mais comment agir concrètement contre la déforestation depuis l'Europe ? En commençant par une nouvelle législation. Ce mardi 13 septembre, le Parlement européen a voté une loi qui interdit l'importation au sein de l'Union Européenne de produits issus de la déforestation.

Avec cette réglementation, le Parlement européen veut enrayer la commercialisation sur le sol européen de produits tels que le soja, le bœuf, l'huile de palme, le cuir ou encore le café, issus de terres déboisées.

À la fois pour l'avenir du pays, mais aussi pour celui de notre planète. L'élection présidentielle aura lieu le dimanche 2 octobre prochain, et annonce un duel entre Jair Bolsonaro et l'ancien président Lula, qui est actuellement en tête des intentions de votes.