35 ans après la chute du mur, existe-t-il encore une Allemagne de l'ouest et une Allemagne de l'est ?
Le 9 novembre 1989 se produisait ce qui était alors considéré comme impensable : la frontière entre l'Allemagne de l'ouest et l'Allemagne de l'est était ouverte.
La joie a rapidement succédé à l'incrédulité. Une foule immense s'est rassemblée dans les rues de Berlin. Des deux côtés du mur.
Symbole de la Guerre froide, le mur de Berlin avait été construit presque en une seule nuit, le 13 août 1961. Pendant 28 ans, 2 mois et 27 jours, il a coupé en deux l'Allemagne et Berlin, séparant de nombreuses familles.
Malgré les barbelés, plus de 5 000 Allemands de l'est ont tenté de fuir à Berlin-Ouest. Mais de nombreuses tentatives ont échoué. Winfried Freudenberg fut la dernière victime du mur : le 8 mars 1989, il s'est écrasé en ballon dans le quartier de Zehlendorf, à Berlin-Ouest, après un vol au-dessus de la zone de démarcation.
Les éléments déclencheurs de la chute du mur furent les manifestations qui rassemblaient de nombreux citoyens est-allemands, et les décisions prises par le dirigeant de l'URSS de l'époque, Mikhail Gorbatchev.
Aujourd'hui, on peut partir à la recherche des vestiges du mur, comme le font de nombreux touristes. Le mur de Berlin est devenu une attraction.
Et il est aussi devenu une œuvre d'art. Avec ses 1 300 mètres de longueur, la East Side Gallery (sur la photo) est la plus importante partie du mur à avoir été conservée. En 1990, elle a été repeinte par 118 artistes issus de 21 pays différents.
Les différences entre l'ouest et l'est se sont-elles maintenues parmi les Allemands qui ont longtemps été séparés par le mur ? Difficile de savoir quels clichés restent présents dans les têtes, mais certains chiffres montrent qu'il existe encore des disparités importantes... mais aussi que l'écart se réduit.
Entre 1990 et 2022, la population des "Länder" d'Allemagne de l'ouest a augmenté d'environ 10 %, tandis que celle des "Länder" de l'est a diminué de 15 %, indique l'institut de statistiques Destatis. Ainsi, la population de l'ouest était cinq fois plus élevée que celle de l'est en 2022.
Le rapport "Est et ouest : libres, unis et imparfaits", rendu par le chargé de mission pour l'Allemagne de l'est du gouvernement allemand, indique que 30 % des citoyens de l'est adhèrent à des idées populistes, contre 20 % à l'ouest. Cela révèle une plus grande insatisfaction à l'égard du système démocratique à l'est.
Par ailleurs, 54 % des Allemands de l'ouest estiment que la société bénéficie d'un degré élevé de cohésion, contre 43 % des Allemands de l'est.
Le document indique que seuls 8 % des patrons de presse et 4 % des dirigeants de grandes entreprises sont originaires de l'est. La population issue de l'ex-RDA, qui représente près de 20 % du total du pays, est donc toujours sous-représentée dans les élites allemandes.
Sur le plan économique, les revenus des Allemands de l'est restent en moyenne moins élevés que ceux de leurs concitoyens de l'ouest. Selon le Tagesschau, la différence de salaire brut moyen reste stable à environ 800 euros par mois depuis 10 ans.
Et ces différences se traduisent aussi dans la capacité à constituer un patrimoine. Tandis que le patrimoine médian s'élevait à 128 000 euros à l'ouest en 2023, il n'était que de 43 000 euros à l'est, selon les données de la Bundesbank.
Sur la photo : l'artiste Jim Avignon devant l'une de ses œuvres, en 2019, à Berlin.
Sur le plan politique, l'une des différences les plus commentées entre l'ouest et l'est est le soutien au parti d'extrême-droite AfD, qui a récolté environ 30 % des voix aux élections régionales de Thuringe et de Brandebourg cette année.
Mais même si tout n'est pas toujours simple et que les choses évoluent lentement entre les deux anciennes Allemagnes, "ce qui vit ensemble grandit ensemble", comme l'ancien maire de Berlin et chancelier Willy Brandt l'avait dit si justement lors de la chute du mur le 9 novembre 1989.