Prix Nobel : les lauréats les plus controversés
Depuis sa création en 1901, le prix Nobel n’a cessé de créer des polémiques. Qu’il s’agisse d’écrivains, de chercheurs ou de chanteurs, ils sont nombreux à avoir créé la discorde. Petite liste des lauréats les plus contestés.
En 1906, le président des États-Unis reçoit avec surprise le prix Nobel de la paix pour "son aide lors des négociations de paix dans la guerre russo-japonaise". La polémique est servie lorsque l'on sait que Theodore Roosevelt est l'auteur de la fameuse doctrine "Big Stick" qui préconise la négociation diplomatique fermement appuyée par une force militaire.
En novembre 1911, Marie Curie reçoit le prix Nobel de chimie dans la quasi-indifférence de l'opinion publique française. Pourtant elle avait déjà gagné le Nobel de physique en 1903 avec son mari Pierre, décédé depuis... Le pays est en réalité scandalisé par sa liaison révélée par la presse avec un homme marié, le physicien Paul Langevin. L'académie suédoise l'exhorte à ne pas venir à la cérémonie officielle. Mais en décembre, Marie Curie fait le voyage et reçoit son prix en personne.
En novembre 1945, le prix Nobel de chimie est attribué à l'Allemand Otto Hahn pour avoir découvert la fission nucléaire. Or, trois mois auparavant ont eu lieu les bombardements d'Hiroshima et de Nagasaki... Il faut tout de même expliquer qu'Otto Hahn a fait cette découverte en 1938 et qu'il n'a jamais travaillé sur son application militaire. Le scientifique s'est même réjoui que la bombe nucléaire n'ait pas été conçue par les Allemands.
En 1953, Winston Churchill obtient le Nobel de littérature "pour le grand art de ses œuvres historiques et biographiques, ainsi que pour son brillant art oratoire soutenant les valeurs humaines"... Une hypothèse prétend qu'en réalité Churchill est décoré par le prix de littérature parce qu'il était impossible de lui décerner un prix pour la paix.
Il s'agit du prix Nobel le plus insolite. En 1973, le secrétaire d’État américain Henry Kissinger reçoit, conjointement avec le leader nord-vietnamien Le Duc Tho, le Nobel de la paix. C'est une récompense pour la signature des accords de Paris qui ont mis fin à la guerre du Vietnam. Un choix pourtant incompréhensible sachant que Kissinger est accusé d'avoir provoqué l'escalade du conflit.
En 1973, Le Duc Tho, l'un des négociateurs des accords de paix de Paris, reçoit conjointement avec Henry Kissinger, le Nobel de la paix. Mais il le refuse car selon lui son action pour la paix au Vietnam n’avait pas entièrement abouti.
Mais il n’est pas le seul à avoir refusé ce prix. L'écrivain français Jean-Paul Sartre refuse le prix Nobel de littérature en 1964 car selon lui "aucun homme ne mérite d'être consacré de son vivant". Ce refus reste célèbre, car il illustre bien l'état d'esprit de cet intellectuel qui se voulait indépendant du pouvoir politique et qui par ailleurs a refusé d'autres récompenses. Jean-Paul Sartre a toutefois regretté le scandale provoqué par sa décision.
En 1994, le prix Nobel de la paix est reçu conjointement par les israéliens Shimon Peres et Yitzhak Rabin et le palestinien Yasser Arafat, pour leur rôle dans la signature des Accords d'Oslo. C'est le choix du leader palestinien qui suscite le plus de controverse, puisqu'à l'époque il est accusé de financer le terrorisme et d'avoir armé son peuple avec l'argent des aides internationales. Pour montrer son mécontentement, un membre de l'académie suédoise décide de démissionner.
En 2009, alors que cela fait moins d'un an que Barack Obama occupe la Maison Blanche, il se voit attribuer le prix Nobel de la paix. Cette récompense se veut un encouragement pour celui qui a insufflé un "nouveau climat dans la politique internationale"... Mais c'est une décision plutôt polémique puisque à ce moment-là, il est le président d'un pays engagé dans deux conflits armés en Irak et en Afghanistan.
En 2016, le jury de Stockholm crée la surprise en décernant le prix Nobel de littérature à Bob Dylan. Et ce qui suscite doublement la controverse, c'est le mutisme de l'artiste et par la suite, son absence annoncée lors de la cérémonie officielle. Certains se pressent à parler de dédain de la part de Dylan et en coulisse, la colère gronde dans l'institution suédoise. Finalement en avril 2017, lors d'une cérémonie plus intime, Bob Dylan reçoit sa médaille et les 839 000 euros de récompense. Mais le scandale a marqué les esprits.
Le prix Nobel de la paix en 1991 est attribué à Aung San Suu Kyi, alors qu'elle est en résidence surveillée. Et il faudra attendre 21 ans pour qu'elle puisse recevoir sa récompense. Contre toute attente, alors qu'elle est devenue chef de facto du gouvernement birman, en 2018 un rapport explosif de l'ONU accuse l'armée birmane de génocide contre la minorité musulmane des Rohingyas. Les voix se lèvent alors pour que son Nobel lui soit retiré. Mais selon l'académie suédoise, "les statuts du prix Nobel de la paix ne le permettent pas".
Le Portugais Egas Moniz reçoit le prix Nobel de médecine en 1949, pour sa "découverte de la valeur thérapeutique de la leucotomie dans certaines psychoses". Aujourd’hui, cette pratique s’appelle la lobotomie, pratique aujourd'hui considérée comme "opérations du cerveau barbares". Cette dernière est d’ailleurs dénoncée dans le film de Stanley Kubrick, "Vol au-dessus d'un nid de coucou". Cependant, rappelons que dans les années 1940, il n’existait pas d’autres solutions, car les traitements chimiques sont arrivés plus tard.
Malala Yousafzaï est la plus jeune détentrice du prix, à 17 ans seulement. Figure du droit à l’éducation des filles, depuis son enfance, elle tenait un blog pour la BBC, où elle décrivait la vie sous la domination des talibans. Sa nomination a été controversé, car la moyenne d'âge d'obtention du prix Nobel de la paix est de 61 ans. De nombreuses années peuvent passer entre une découverte et la réception d’un Nobel. On ne trouve que 21 personnes de moins de 35 ans chez les lauréats du prix, dont Martin Luther-King Jr, qui le reçoit en 1964, à 35 ans.
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L'Union européenne obtient le Nobel de la paix en 2012, pour "avoir contribué pendant plus de six décennies à promouvoir la paix et la réconciliation, la démocratie et les droits de l'Homme en Europe" et "fait passer l'Europe d'un continent de guerre vers un continent de paix". Mais c'est oublier que le continent a abrité la guerre de l’ex-Yougoslavie, entre 1990 et 1991. Cette dernière a causé la mort de 300 000 personnes et poussé quatre millions d'autres à l’exil. De plus, dans les années 2010, l’UE n’est pas solidaire face à la Grèce et à la crise financière qui ravage le pays, l’excluant même de l’Union. Enfin, "les politiques économiques imposées en Europe, notamment par le gouvernement d’Angela Merkel, en favorisant le développement de la pauvreté, du chômage et des inégalités et en réveillant les antagonismes nationaux, sont malheureusement de nature à remettre en cause cette paix", résume Guillaume Duval, rédacteur en chef d’"Alternatives Économiques".
"Les parlementaires roumains qui ont proposé Michael Jackson jugeaient cette nomination tout à fait sérieuse, mais celle-ci n'a pas été étudiée par le comité", selon Geir Lundestad, directeur de l'Institut Nobel et secrétaire du Comité Nobel norvégien de 1990 à fin 2014. Le roi de la pop avait été présenté pour le Nobel de la paix. Cette nomination fait d’autant plus polémique aujourd’hui, quand on sait que ce dernier a été accusé de pédophilie après sa mort, en 2009...
En 2001, la Fédération internationale de football (FIFA) est proposée. Le ballon rond a "permis d'établir de bonnes relations entre les peuples", d’après le député suédois à l'origine de cette candidature. Mais l’argument ne tient pas face aux accusations de corruption de 2015, qui mènent au renvoi de son président historique Sepp Blatter, ainsi que celui du président de l'UEFA, Michel Platini.