Les groupes emblématiques des débuts du rap français
En quarante ans, le rap s’est imposé comme un genre musical majeur en France et dans le monde francophone. Mais connaissez-vous les pionniers qui ont popularisé cette musique d’abord marginale ? Une (re)découverte en images !
La toute première apparition du rap en France remonte à 1979, l’année où est diffusé le titre « Rapper’s Delight » du groupe américain The Sugarhill Gang. Cinq ans plus tard, l’émission « H.I.P. H.O.P. » sur TF1 contribue à familiariser le public français avec ce nouveau style.
À l’époque, certains chanteurs de variété s’essaient de leur côté au rap, comme Bandolero avec « Paris Latino » en 1983, ou Jean-Baptiste Mondino avec « La Danse des Mots » la même année.
Vers la fin des années 1980, les premiers rappeurs français se font connaître en se produisant dans des boîtes de nuit ou des soirées open-mic : Lionel D, Richy, Sheek… même si leur nom ne dit pas grand-chose au public plus jeune, eux et beaucoup d’autres ont contribué à installer le rap comme un genre qui compte sur la scène musicale française.
Mais l’impulsion décisive viendra de Dee Nasty, un DJ qui présente la première émission de radio consacrée au rap, le « Deenastyle », sur Radio Nova. De 1988 à 1990, de nombreux rappeurs y réalisent leurs premières performances en direct, pour le plus grand bonheur du public. Le rap français est né.
Formé en 1985, le groupe Assassin, composé entre autres de Rockin’ Squat (le frère de Vincent Cassel), apparaît sur la première compilation de rap français, « Rapattitude », en 1990. Le collectif sort ses premiers albums, « Le futur que nous réserve-t-il ? » (1992) et « L’Homicide volontaire » (1995), dans lesquels il aborde volontiers des sujets politiques comme les bavures policières ou l’écologie.
La rencontre à la fin des années 1980 entre Bruno Lopes (alias Kool Shen) et Didier Morville (alias Joey Starr) va former l’un des duos les plus explosifs de l’histoire du rap français : NTM. Avec son style puissant et contestataire, le groupe va s’imposer comme une bombe sur la scène rap française dans les années 1990, avant de se séparer et de se reformer à plusieurs reprises.
Alors que le monde du rap français se structure en grande partie dans la capitale, le groupe IAM se forme à Marseille en 1989. Composé d’Akhenaton, Kheops, Kephren, Shurik’n et Imhotep, IAM sort plusieurs albums mythiques comme « Ombre est lumière » ou « L’école du micro d’argent ». Souvent opposé à NTM, il contribue à former une rivalité, toujours présente dans le rap français, entre Paris et Marseille.
En 1988, plusieurs rappeurs de Garges-lès-Gonesse, dans le nord de Paris, forment le collectif AMER (acronyme de « Action, musique et rap », « Agent du Ministère Éloquent et Radical » ou encore « Association des Malfaiteurs Enfants du Rap »). Ses membres Stomy Bugsy et Passi lancent le Ministère A.M.E.R. en 1991.
Le collectif sort deux albums, « Pourquoi tant de haine » en 1992 et « 95200 » en 1995. Ses titres gangsta, qui s’en prennent frontalement à la police, lui valent les foudres du ministère de l’Intérieur, mais connaissent un vrai succès public. À partir de 1996, le Ministère A.M.E.R. se sépare et ses membres se lancent dans une carrière solo.
Le Secteur Ä, contraction de « Secte Abdulaï », est créé en 1995 par des membres du Ministère A.M.E.R. Il produit de nombreux artistes émergents sur la scène rap française à la fin des années 1990, comme Doc Gyneco, Ärsenik ou les Neg Marrons. Après quelques années de succès, plusieurs artistes quittent le collectif qui sera dissout en 2005 avant de se reformer en 2017.
Après ses années au Ministère A.M.E.R., Passi a poursuivi sa carrière en solo avec un premier album, « Les Tentations » (1997). Figure marquante du rap français des années 1990, il a aussi participé à plusieurs albums collectifs avec le Secteur Ä et le collectif franco-congolais Bisso Na Bisso.
D’abord proche du Ministère A.M.E.R., Doc Gyneco (qui doit son pseudonyme à ses talents de séducteur) sort son premier album, « Première Consultation », en 1996 et connaît un rapide succès avec un style musical original. Le rappeur a connu plusieurs périodes difficiles mais il est toujours aussi apprécié du public. Il a annoncé la sortie d’un nouvel album en 2023.
Membre du collectif Secteur Ä, le groupe Ärsenik est composé de deux frères, Lino et Galbo. Sorti en 1998, son album « Quelques gouttes suffisent » est certifié double disque d’or l’année suivante, avec certains classiques comme « Affaires de famille » ou « Boxe avec les mots ». En 2002, Ärsenik sort un nouvel album studio, « Quelque chose a survécu ».
Booba (sur la photo) et Ali se rencontrent en 1994 et forment le duo Lunatic, qui rejoint successivement plusieurs groupes ou collectifs (La Cliqua, Beat de Boul, Time Bomb). Après avoir diffusé plusieurs titres, Lunatic sort l’album « Mauvais Œil » en 2000, un opus lyrique dont la qualité est soulignée, mais dont la violence fermera au groupe la porte de certains médias.
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Tout comme Booba, Kery James a débuté en groupe avant de poursuivre une brillante carrière solo. Avec quatre amis, il fonde Ideal Junior en 1990, à seulement 13 ans. Rejoint par DJ Mehdi, le groupe est rebaptisé Ideal J et sort deux albums, mais le titre « Hardcore » est censuré par les radios et son clip devra être remanié. La fin de l’aventure est actée autour de l’an 2000 lorsque DJ Mehdi, puis Kery James, décident de continuer chacun de leur côté.
Avec un style old school et jazzy, Les Sages Poètes de la Rue (ou « Sages Po’ ») se distinguent de la tendance hardcore majoritaire dans le rap des années 1990. Plus de 20 ans après leur premier opus, « Qu’est-ce qui fait marcher les sages ? », les Sages Po’ sont toujours actifs et ont sorti leur sixième album, « Art contemporain », en 2017.
L’une des plus belles voix de la première génération de rappeurs français, doublé d’un parolier de grand talent : après le succès de « Bouge de là », considéré comme le premier grand tube de rap français en 1991, MC Solaar enchaîne avec l’album « Qui sème le vent récolte le tempo ». L’ex-compagnon d’Ophélie Winter a connu les sommets avec « Cinquième As » en 2001 avant de se retirer progressivement de la scène.
Fondé à Marseille en 1995, le groupe « Psy 4 de la Rime » est composé de quatre amis d’enfance : le DJ Sya Styles et trois cousins d’origine comorienne, Vincenzo, Alonso et le célèbre Soprano. Un premier album, « Block Party », est sorti en 2002. Depuis, Soprano est devenu une star de la pop urbaine et Sya Styles est tragiquement décédé en 2015, mais le groupe se reforme occasionnellement pour un concert ou une nouvelle collaboration.
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Un groupe éphémère mais marquant du rap français vintage : le Saïan Supa Crew, formé en 1997, s’est démarqué de la scène rap de l’époque par un style détonnant, d’une grande richesse musicale, inspiré d’autres genres comme le ragga, le zouk ou le disco. Le collectif s’est séparé en 2007 après un dernier album studio, « Hold Up ».
À partir des années 2000, le rap a évolué vers de nouveaux styles, comme l’egotrip d’un Booba ou au contraire le rap conscient, réputé pour son engagement et la qualité de ses paroles. Puis il s’est mélangé à d’autres styles (pop urbaine) et a vu émerger de nouvelles figures comme Jul ou Orelsan. Mais rien de tout cela ne se serait produit sans les pionniers des années 1990 : rendons hommage à l’avant-garde du rap français !