La monarchie en France, un rêve toujours vivant ?
Alors que l’Angleterre est toujours en deuil de la mort d’Élizabeth II et que le monde entier a les yeux rivés sur le couronnement de son fils Charles, la question d’un éventuel rétablissement de la monarchie est toujours posée par certains en France. Fantaisie, nostalgie ou danger pour la République ? Un tour d’horizon de la question.
La monarchie a été abolie pour la première fois en France dans la foulée de la Révolution de 1789. Fait marquant dans l’histoire du monde, les Français ont fait guillotiner eux-mêmes leur roi Louis XVI.
La monarchie a ensuite restaurée en 1815 après la chute de Napoléon. Renversée en 1830, elle est rétablie la même année au profit de Louis-Philippe, le cousin des deux précédents rois. Mais il est renversé à son tour en 1848. Ces tentatives inabouties ont enlevé à la monarchie une grande part de sa crédibilité en tant que régime capable de se maintenir dans le temps long.
La République s’installe définitivement à la fin du XIXe siècle mais elle fait l’objet de nombreuses contestations, comme à l’époque de l’Affaire Dreyfus ou lors des émeutes antiparlementaires du 6 février 1934. Il faut y voir l’influence de Charles Maurras, un intellectuel conservateur, nationaliste et monarchiste, mais aussi celle d’organisations monarchistes comme l’Action française ou les Camelots du roi.
En place depuis 1958, la Ve République s’est souvent vue reprocher son caractère monarchique car elle accorde un pouvoir important à une seule personne, le président de la République. Comme si un semblant de nostalgie subsistait derrière les institutions républicaines souhaitées par le général De Gaulle, lui-même sympathisant monarchiste dans sa jeunesse.
C’est d’ailleurs l’actuel président de la République, Emmanuel Macron, qui avait tenu des propos iconoclastes sur la monarchie en France en 2015 : « Il y a dans le processus démocratique et dans son fonctionnement un absent. Dans la politique française, cet absent est la figure du roi, dont je pense fondamentalement que le peuple français n'a pas voulu la mort. » Une déclaration qui avait fait couler beaucoup d’encre à l’époque.
Mais l’idée de monarchie a également reçu le soutien de certains people. En 1986, Thierry Ardisson écrit « Louis XX — Contre-enquête sur la Monarchie », qui connaît un grand succès de librairie. Il y défend l’héritage de la royauté française et soutient un système de monarchie constitutionnelle présent dans d’autres pays d’Europe, comme le Royaume-Uni, l’Espagne et certains pays d’Europe du nord.
À la même époque, Stéphane Bern, toujours proche des monarques d’Europe, défend un rétablissement de la monarchie en France. Il en a débattu à la télévision contre un jeune républicain étudiant à Sciences Po qui n’était autre que Jean-Michel Blanquer, le futur ministre de l’Éducation nationale d’Emmanuel Macron.
Le 1er mai de chaque année, alors que les syndicats fêtent le travail, un défilé monarchiste a lieu à Paris Place Jeanne d’Arc, près des Tuileries. Les sympathisants se retrouvent dans le cadre d’un défilé qui est l’une des principales rencontres de l’extrême-droite en France.
Mais au fait, qui sont les prétendants appelés à monter sur le trône dans l’hypothèse très improbable d’un rétablissement de la monarchie ?
Les prétendants au trône de France sont partagés entre deux branches, toutes deux descendantes des derniers rois de France. Les Bourbons, soutenus par les « légitimistes », descendent de Louis XVI et des rois de la Restauration, tandis que les Orléans ont pour ancêtre Louis-Philippe (sur la photo), cousin des Bourbons et déposé en 1848.
Une vieille rivalité existe entre les deux branches, qui ne manquent pas de se critiquer régulièrement. Les légitimistes passent pour plus conservateurs et les orléanistes pour plutôt libéraux, même si la réalité est plus complexe puisque la très conservatrice Action française soutient les Orléans.
Du côté des Bourbons, le prétendant actuel au trône est Louis-Alphonse de Bourbon, un prince franco-espagnol qui partage sa vie entre Madrid et Caracas. Malgré l’aspect glamour de sa vie de couple, l’homme est très conservateur, proche des milieux catholiques traditionalistes en France comme en Espagne et revendiquant l’héritage franquiste.
Côté Orléans, le prince héritier est Jean d’Orléans (à gauche sur la photo avec son grand-père Henri d'Orléans) depuis 2019, qui porte le titre officiel de Comte de Paris. Ce prince a rencontré Emmanuel Macron à plusieurs reprises avant de soutenir officiellement le mouvement des Gilets jaunes. Il a détaillé ses positions politiques dans un livre-entretien intitulé « Un Prince français ».
Malgré son caractère folklorique et sa force de conviction, le mouvement monarchiste reste très minoritaire parmi la population française, et même au sein de la nébuleuse de l’extrême-droite. Il ne compterait que « quelques milliers de personnes tout au plus » selon le politologue Jean-Yves Camus, cité par le média canadien ‘La Presse’.
Toutefois, selon un sondage BVA de 2016, ce ne serait pas moins de 17% des Français qui soutiendraient un retour à la monarchie dans leur pays. La population serait-elle nostalgique de l’Ancien Régime ou d’une figure qui incarne la continuité de la nation ?
Quoi qu’il en soit, un retour de la monarchie semble improbable, voire quasi impossible en France étant donné la solidité des institutions républicaines. Pour preuve, l’Alliance royale créée en 2001 n’a recueilli que 3 150 voix, soit 0,01% des suffrages, aux élections européennes de 2019. Un pourcentage équivalent à la probabilité d’une restauration monarchique au pays des droits de l’homme.