Brigitte Fontaine : plongée dans le parcours de la plus underground des chanteuses françaises
Brigitte Fontaine fête ses 83 ans ce vendredi 24 juin ! Alors qu’elle a récemment fait ses adieux à la scène, la chanteuse reste un monument inclassable de la musique française. Découvrons ensemble le parcours d’une chanteuse underground et pas tout à fait comme les autres.
Née le 24 juin 1939, Brigitte Fontaine a grandi en Bretagne avant de s’installer à Paris à l’âge de dix-sept ans pour devenir comédienne. Elle fait ses débuts sur scène dans les années 1950, notamment dans « La Cantatrice chauve » d’Eugène Ionesco, jouée tous les soirs au théâtre de la Huchette.
Sans abandonner le théâtre, elle se lance dans la chanson à partir de 1963. L’année suivante, elle fait la première partie d’un concert de Georges Brassens dans la salle Bobino, à Paris. Son premier album, « Chansons décadentes et fantasmagoriques », sort en 1966. Le début d’une longue histoire avec la musique.
Un nom d’album qui pourrait résumer le regard attendri que le public porte sur Brigitte Fontaine. En 1968, l’année où tout est possible, la jeune chanteuse sort son deuxième opus, « Brigitte Fontaine est… folle ! », avec la collaboration de son ami Jean-Claude Vannier.
Au même moment, elle sort un 45 tours avec Jacques Higelin, avec lequel elle a chanté tout au long de sa vie. De fausses rumeurs ont circulé sur le fait que le chanteur pourrait en réalité être son frère. Mais Brigitte Fontaine le considère dans tous les cas comme son frère de cœur !
C’est d’ailleurs Higelin qui a présenté le percussionniste et compositeur Areski Belkacem à Brigitte Fontaine. Peu de temps après le début de leur collaboration musicale, Areski et Brigitte entament une relation amoureuse qui dure encore plus de cinquante après, tout en créant le duo musical Areski-Fontaine. Le compagnon d’une vie !
Brigitte Fontaine devient alors une figure de la musique underground française. Dans les années 1970, le tandem qu’elle forme avec Areski sort une série d’albums dans un style éclectique et à part, mêlant différentes influences comme la pop, l’électro et la folk. Leurs chansons sont à la fois engagées et écrites dans un style poétique affranchi des contraintes habituelles d’écriture. Mais leur œuvre foisonnante reste assez peu connue du grand public.
Étant tous les deux à la fois comédiens et chanteurs, Areski Belkacem et Brigitte Fontaine se produisent sur scène dans les années 1970 sous la forme de happenings mêlant musique et improvisation théâtrale. Un spectacle total qui va bien au-delà du concert traditionnel !
Brigitte Fontaine est également une écrivaine prolifique, qui a écrit de nombreux romans et pièces de théâtre. Délaissant la musique dans les années 1980, elle se consacre alors principalement à l’écriture et au théâtre. Son ouvrage « Prohibition » lui vaudra de remporter un des Grands prix de l’humour noir en 2010.
En 1988, Brigitte Fontaine donne une série de concerts à Tokyo et dans le reste du Japon, alors que les maisons françaises mettent plusieurs années avant de produire son nouvel album « French corazon ». Mais c’est pour mieux préparer son retour sur scène, qui a lieu lors d’un concert-événement au Bataclan en 1993.
La chanteuse renoue avec le succès dans les années 1990 alors que ses compositions sont de plus en plus expérimentales, intégrant davantage de musique électronique. Elle s’inspire à l’époque de musiciens plus jeunes, comme Björk ou Massive Attack. Alain Bashung devient aussi l’un de ses nouveaux complices musicaux, aux côtés d’Areski et de Jacques Higelin.
Son style particulier et son sens aigu de la répartie en font progressivement un bon client des médias, alors qu’elle s’était toujours tenue relativement éloignée du star system. C’est aussi à cette époque que Brigitte Fontaine se rase le crâne. Un choix capillaire radical, à son image.
En 1997, Brigitte Fontaine enregistre l’album « Les Palaces » dont le titre-phare est « Ah que la vie est belle ! ». La chanteuse y montre une inspiration musicale renouvelée tout en écrivant sur ses sujets de prédilection que sont le désir, le plaisir et l’angoisse.
Sa popularité s’accroît encore dans les années 2000 avec les albums « Kékéland » et « Rue Saint-Louis en l’Île » (en hommage à la rue qui traverse l'Île Saint-Louis à Paris), tous deux disques d’or. Les deux opus mêlent des genres variés (tango, trip hop, reggae, rock) et accueillent une série de musiciens prestigieux, comme M, Archie Shepp, Noir Désir ou Gotan Project.
C’est pendant ces années de succès que son image de « folle » sympathique et créative se fixe dans l’esprit du public. Ses apparitions toujours très déjantées à la télévision y ont largement contribué.
Brigitte Fontaine aime composer et chanter en groupe et collabore avec de nombreux artistes, souvent plus jeunes qu’elle. En 2007, elle donne un grand concert à l’Olympia avec entre autres Jacques Higelin, Jean-Claude Vannier et Anaïs. Elle se produit fréquemment sur scène avec Mathieu Chedid, avec lequel on la voit chanter au Bataclan en 2011 sur cette photo.
La personnalité hors norme de Brigitte Fontaine lui a ouvert les portes du cinéma. En 2012 sort « Le Grand Soir », une comédie sociale trash avec Benoît Poelvoorde et Albert Dupontel en tête d’affiche. Elle y joue la mère épuisée de deux frères, un punk (Poelvoorde) et un vendeur conformiste qui décide de se faire punk à son tour à la suite de déconvenues professionnelles (Dupontel). Un casting idéal pour l’un des films les plus décalés des dernières années !
Après avoir donné de nombreux spectacles mêlant lecture et concert dans les années 2010, Brigitte Fontaine a sorti un dix-neuvième et dernier album, « Terre Neuve », en 2020, une fois encore avec son cher Areski. Sans doute la dernière page d’une discographie abondante, toujours originale dans l’écriture et diverse dans les inspirations musicales.
Désormais octogénaire, la chanteuse a fait ses adieux à la scène lors du festival du Printemps de Bourges, au mois d’avril dernier. Mais Brigitte Fontaine est éternelle dans le cœur de ses fans. Joyeux anniversaire, madame l’artiste !