Barbara : le destin tragique d’une chanteuse hors du commun
Il y a près de 25 ans, le 24 novembre 1997, disparaissait la célèbre chanteuse Barbara. Icône de la chanson francophone dans la seconde moitié du XXe siècle, l’interprète a connu le succès de son vivant mais aussi un destin tragique. Retour en images sur la vie mouvementée d’une chanteuse hors du commun.
Née Monique Serf à Paris en 1930, la future interprète de « Dis, quand reviendras-tu ? » passe son enfance dans le quartier des Batignolles avant une succession de déménagements qui l’emmènent loin de la capitale.
Issue d’une famille juive, la jeune fille doit suivre ses parents qui fuient les persécutions de l’armée allemande sous l’Occupation. La famille se cache successivement à Roanne, à Tarbes, puis dans l’Indre et dans l’Isère avant de rentrer en région parisienne à la fin de la guerre.
C’est à cette époque que Monique Serf est abusée par son père. Une expérience traumatisante qu’elle n’évoquera jamais directement mais à laquelle elle fera allusion des années après dans la chanson « L’Aigle noir ». Toutefois, l’aigle pourrait aussi symboliser le régime nazi qui l’avait persécutée avec sa famille.
Sa carrière musicale aurait pu commencer par le piano mais un kyste à la main droite obligea les médecins à lui sectionner plusieurs tendons : la future Barbara voit sa vocation brisée à l’âge de 14 ans. Elle prend alors des cours de chant et découvre une nouvelle passion qui ne la quittera plus.
Plus attirée par la chanson populaire que par le chant classique, la jeune artiste rêve de devenir une « pianiste chantante ». Mais le départ soudain du foyer de son père en 1949 empêche d’honorer la location du piano : un nouveau coup dur qui la conduit à quitter Paris.
Monique Serf se rend en Belgique en 1950, rencontre une communauté d’artistes à Charleroi et chante dans des cabarets sous le nom de Barbara Brodi, un prénom qui ne la quittera plus comme artiste. Mais ses premières prestations sur scène lui valent les huées du public…
C’est durant sa période belge que Barbara se lie d’amitié avec un autre jeune chanteur en quête de succès, Jacques Brel, dont elle reprend certaines chansons. C’est lui qui l’encourage à composer ses propres chansons. Les deux artistes resteront amis toute leur vie.
Barbara épouse en 1953 le jeune avocat Claude Sluys qui lui permet de se produire dans un théâtre bruxellois. Revenue en France, elle enregistre ses premières compositions sous le titre « La Chanteuse de minuit », qui est également le surnom qu’on lui donne sur scène.
Et le succès finit par venir ! La chanteuse enregistre deux albums de reprises au début des années 1960 : « Barbara chante Brassens » et « Barbara chante Jacques Brel ». En 1963, elle triomphe avec deux de ses propres compositions : « Nantes » et « Dis, quand reviendras-tu ? ».
L’année suivante, Barbara écrit la chanson « Göttingen » à la suite d’un voyage en Allemagne. Un titre mémorable, devenu par la suite un symbole de la réconciliation franco-allemande.
L’album « Barbara chante Barbara » sorti en 1965 rencontre un grand succès. Récompensée et régulièrement invitée à la radio ou à la télévision, Barbara fait définitivement partie des grands noms de la chanson française.
Plusieurs de ses chansons, comme « Marienbad » ou « Ma plus belle histoire d’amour », font toujours partie des grands classiques du genre. Mais au début des années 1970, l'interprète arrête de se produire sur scène pendant trois ans.
La chanteuse se découvre alors une autre vocation : la comédie. Apparue au théâtre, elle a également joué dans trois films dont « Franz » (1972) réalisé par son ami Jacques Brel, avec lequel elle partage l’affiche.
En 1973, Barbara s’installe à Précy-sur-Marne, à l’est de Paris, dans une ancienne ferme dont elle transforme la grange en théâtre, la surnommant « La Grange au loup ». Un nom évoqué dans la chanson « Nantes » qui fait allusion à son père mourant.
Barbara a eu de nombreuses liaisons au cours de sa vie. Au milieu des années 1970, elle rencontre le jeune acteur Pierre Arditi avec lequel elle vit une relation brève mais intense. Grâce à l’évolution constante de son style musical, elle continue par ailleurs d’attirer un public jeune.
Le 10 mai 1981, pour célébrer la victoire de François Mitterrand à l’élection présidentielle, la chanteuse interprète « Regarde », une chanson qui exprime l’espoir lié à l’élection d’un président de gauche.
Mais sa voix se brise ce soir-là… À la fin de sa carrière, Barbara va apprendre à se servir de cette voix altérée, qu’elle décrit comme étant « au crépuscule », pour renouveler sa manière de chanter.
Ses problèmes de santé la conduisent à apparaître moins souvent sur scène. Elle réalise une dernière tournée en 1994, l’année où elle remporte le prix de l’interprète féminine de l’année aux Victoires de la musique. Un dernier album sortira en 1996.
Usée et en mauvaise santé, Barbara décède de manière foudroyante en 1997, à l’âge de 67 ans. Une disparition qui a suscité de nombreuses rumeurs. La chanteuse a quitté le monde sans descendance mais en laissant l’une des plus belles discographies de la chanson française.
De nombreux hommages lui ont été rendus depuis. À l’occasion de la Fête de la musique de 2010, le ministre de la Culture Frédéric Mitterrand a créé un prix Barbara qui récompensait un jeune chanteur ou une jeune chanteuse. Attribué à Carmen Maria Vega cette année-là, il a été remis jusqu’en 2014.
Barbara a également été mise à l’honneur dans un biopic réalisé par Mathieu Amalric et sorti en 2017. Le rôle-titre est interprété par Jeanne Balibar, une prestation qui lui a valu le César de la meilleure actrice en 2018.
La chanteuse n’a pas eu le temps d’achever ses mémoires et il existe toujours une part de mystère sur son existence, marquée à la fois par des événements tragiques et un immense succès artistique. Mais 25 ans après sa disparition, les chansons de Barbara continuent de vibrer dans le cœur de ses admirateurs.