Bernard Tapie : entre projets variés et scandales judiciaires, histoire d'une vie

Un an déjà
Il entre dans la vie active à 18 ans
Vendeur de télévisions
Tapie devient Tapy
L'affaire des châteaux de l'ex-empereur dictateur de Centrafrique
Spécialiste du redressement d'entreprises
Manufacture
Tour de France et Terraillon
Le
Les
Wonder
Il commence à flamber
Il rachète l’OM
Face à Jean-Marie Le Pen
Ministère de la Ville
Début de l'affaire Tapie
Liquidation judiciaire
VA-OM
Soutien de Mitterrand
L’affaire de l’arbitrage
Une histoire sans fin
Le Phocéa
Acteur
Animateur
La Provence et Nice Matin
Des problèmes de santé
Suite du procès
Relaxé après son décès
Un an déjà

Il avait tout fait, ou presque. Il y a un an, le 3 octobre 2022, Bernard Tapie s’éteignait des suites de son cancer, à l’âge de 78 ans. Symbole de toute une époque, c’est un bout de l’histoire moderne de France mais aussi du "monde d’avant" qui nous ont alors quittés. Retour sur le parcours de l’homme caméléon aux "cent vies" et sur les scandales judiciaires qui l'ont suivi pendant plus de 20 ans.

Il entre dans la vie active à 18 ans

La première fois qu’il est confronté au monde du travail, Bernard Tapie a 15 ans. C’est son père, Jean, ajusteur-fraiseur qui l'embauche. Tapie essaie de passer un brevet technique dans les métiers de l'aéronautique, mais s’ennuie. Alors, il réussit à décrocher son premier poste en 1961 chez les automobiles Panhard. Mais le statut de salarié ne lui plaît pas et il ne reste que quelques mois.

Vendeur de télévisions

À sa majorité, alors à 21 ans, il ouvre un petit commerce d'électroménager au 164, rue du Faubourg-Saint-Martin à Paris. Rapidement, il se marie à Dominique. Mais là encore, il s’ennuie : il a besoin de sensations fortes. Il devient accro au jeu, au point de perdre son petit commerce.

Tapie devient Tapy

Quelques mois après Mai 68, il croule sous les dettes. Alors, Bernard Tapie s’essaye à la chanson, sous le nom de Bernard Tapy. Son premier 45 tours "Je ne crois plus les filles" est un échec, et ce, malgré ses airs de playboy.

L'affaire des châteaux de l'ex-empereur dictateur de Centrafrique

Sa véritable entrée sur la scène médiatique débute en 1979. Alors âgé de 36 ans, il signe à Abidjan le rachat, pour 12,5 millions de francs (près de 2 millions d'euros), des châteaux de l'ex-empereur dictateur de Centrafrique, Jean-Bedel Bokassa. En réalité, c’est un coup de bluff et le tribunal d'Abidjan annule la vente. Il doit payer une amende de 100.000 francs - autour de 15.000 euros -.

Spécialiste du redressement d'entreprises

Mais il n’est pas du genre à se laisser abattre. Depuis quelques années, il travaille dans une société de conseil, où il devient spécialiste du redressement d'entreprises en difficulté. Il y apprend la renégociation des dettes, la réduction des coûts et des effectifs et la recherche de nouveaux marchés.

Manufacture

En 1980, il reprend à son compte l’entreprise française Manufacture, fabricant et distributeur de produits pour la maison, la nature et loisirs d'extérieurs. Tapie s'inspire du modèle de "cost-killer" - réduction des coûts - si cher aux Américains, ce qui déplaît fortement aux syndicats et il y a de quoi. Il démantèle le groupe, licencie 800 personnes, vend les magasins et cède à une coopérative plusieurs pans de l'activité. L'entreprise met quatre ans à faire de nouveaux profits, mais en février 1986, c’est la liquidation judiciaire.

Tour de France et Terraillon

La seconde crise pétrolière et les débuts de la mondialisation ouvrent de nouvelles opportunités à Bernard Tapie. En dix ans, Tapie va racheter une quarantaine d'entreprises en dépôt de bilan, dont la chaîne de magasins bio La Vie Claire. Le nom de cette dernière figurera d’ailleurs sur le dossard de l'équipe cycliste championne de Bernard Hinault sur le Tour de France. Mais aussi Terraillon, qu’il rachète pour un franc symbolique avant de la morceler.

Le "Saint-Bernard des canards boiteux"

C’est comme ça qu’on l’appelle désormais. Pour Terraillon, Bernard Tapie est aidé par Jean-Louis Borloo, un jeune avocat qui deviendra plus tard député-maire de Valenciennes puis ministre sous les présidences de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy. Quatre ans après sa reprise, l'entreprise affiche un chiffre d'affaires de 265 millions de francs - 40 millions d'euros - et en dégage 12 millions - 2 millions d'euros - de résultat net. Elle fait même son entrée au second marché de la Bourse de Lyon. En 2001, elle est revendue en à l'Américain Measurement Specialities Inc., pour 165 millions de francs.

Les "années Tapie"

Tapie fait la Une de tous les médias. Il a la tchatche, inspire confiance et en apparence, il est un entrepreneur de talent. En 1983, il rachète pour un franc symbolique Look, marque de fixations de skis. En un an, il licencie 120 personnes et diversifie l’univers de la marque au vélo. Cinq ans plus tard, il revend sa participation à Ebel, groupe horloger, pour 260 millions de francs, - 40 millions d'euros -.

Wonder

C’est en rachetant la marque Wonder en 1984, pour 30 millions de francs, que Tapie entre dans le panel des grandes fortunes. Il tourne même la pub de la marque, où on le voit fonctionner sur des piles. Le slogan marquera les esprits : "Je marche à la Wonder".

Il commence à flamber

Et il finit par reprendre ses anciennes méthodes. Malgré ses promesses, la moitié des 2.200 salariés sont licenciés, en quatre ans, plusieurs usines ferment. Il gagnera 470 millions de francs - 72 millions d'euros - en revendant l’entreprise à l'américain Ucar.

Il rachète l’OM

En 1986, Tapie rachète le club de football de l'Olympique de Marseille, pour 100 millions de francs - 15 millions d'euros -, pour sauver le club. Sa popularité est grandissante dans la ville.

Face à Jean-Marie Le Pen

Ainsi, en 1989, il y obtient un siège de député. Sa première intervention médiatique nationale est un débat face à Jean-Marie Le Pen, en septembre 1989, sur le thème de l'immigration, en direct sur TF1. Ce débat marquera largement l’histoire de la télévision française car Tapie déclare lors de ce débat : "Si l’on juge que Le Pen est un s***d, alors ceux qui votent pour lui sont aussi des s***ds". La phrase fait scandale.

Ministère de la Ville

Cette intervention et son charisme font parler de lui au sein des cercles politiques. Soutenu par François Mitterrand, Pierre Bérégovoy lui offre le poste de ministre de la Ville. Plusieurs scandales commencent à lui pendre au nez : dans "l'affaire Toshiba" contre un ancien associé, ou celle du match truqué entre l'OM et Valenciennes.

Début de l'affaire Tapie

En 1990, Bernard Tapie est au top. Il rachète donc Adidas, “la grande affaire de sa vie”, selon lui. Il est alors patron de l'Olympique de Marseille et annonce avoir racheté 80 % du groupe allemand Adidas, pour l'équivalent de 244 millions d'euros. La marque est numéro un mondial des articles de sport.

Liquidation judiciaire

Il revend la société en 1993 pour 315,5 millions d'euros à huit investisseurs, dont le Crédit Lyonnais, alors banque publique et un de ses principaux créanciers. En 1994, la banque exige de recouvrer des créances. Tapie est placé en liquidation judiciaire.

VA-OM

En 1993, Bernard Tapie quitte le ministère de la Ville pour un mandat de député. À ce moment qu’un footballeur du club de Valenciennes l'accuse d'avoir tenté de truquer un match au profit de l'Olympique de Marseille. Marseille sera déchu de son titre de champion de France 1993 et relégué en 2e division en 1994. Tapie sera condamné pour "complicité de corruption et subordination de témoins" à deux ans d'emprisonnement dont huit mois fermes. Il passe cinq mois et demi en prison et en sort en juillet 1997.

Soutien de Mitterrand

Et peu importe les scandales, le 14 juillet 1993, le président de la République François Mitterrand réaffirme son soutien à Bernard Tapie.

L’affaire de l’arbitrage

Le 28 juillet 1994, son mobilier et ses biens sont saisis à son hôtel particulier de Paris. Il doit 1,3 milliards de francs au Crédit lyonnais : il est mis en liquidation judiciaire par le tribunal. Mais en 2008, après avoir soutenu Nicolas Sarkozy lors de la campagne présidentielle de 2007, il reçoit 400 millions d'euros de la part de l’État lors d'un arbitrage, qui considère qu’il a été lésé lors de la vente d'Adidas par le Crédit lyonnais. Cette décision est contestée puis annulée en 2015 : il doit tout rembourser.

Une histoire sans fin

Christine Lagarde, qui était ministre des Finances lors de l'arbitrage, est condamnée pour négligence, mais sans peine.

Le Phocéa

Pour acheter son yacht à quatre-mâts "Le Phocéa", Tapie utilise une filiale de son groupe, la Financière immobilière Bernard Tapie (FIBT). En ayant un usage exclusivement personnel, il aurait dû le déclarer à l'administration un avantage en nature. En 1994, il est arrêté chez lui à Paris, à la demande de la juge Eva Joly. En 1997, il est condamné à dix-huit mois de prison dont douze avec sursis. Mais deux ans plus tard, il obtient la confusion de cette peine avec celle de l'affaire OM-VA. Il ne retournera pas en prison.

Acteur

Dès 1995 l’homme se reconvertit professionnellement et devient comédien, jusqu'en 2008. Il incarne notamment le Commissaire Valence de 2002 à 2008 sur TF1. Il enregistre aussi un single "C’est beau la vie", en 1998 avec Doc Gynéco.

Animateur

Entre 2000 à 2004, il présente l'émission "Rien à cacher" sur RTL 9, où il interviewe des personnalités. Puis, entre 2002 et 2003, il anime "À tort ou à raison", émission de débat sur TF1. En 2004, il devient consultant sportif sur TF1 lors de la finale de la Ligue des champions AS Monaco-FC Porto. En 2005 et 2006, il fait partie des invités permanents de l’émission "On refait le match", sur RTL et LCI.

La Provence et Nice Matin

Grâce à l’arbitrage favorable dans "l’affaire Tapie", il se relance dans les affaires. En 2012, il devient actionnaire majoritaire du journal marseillais La Provence ainsi que de Nice-Matin. Les journalistes l'apprennent sur le tard.

Des problèmes de santé

En 2017, sa femme annonce qu'il est traité pour un cancer de l'estomac.

Suite du procès

En 2019, il est relaxé avec cinq co-prévenus. Le parquet a fait appel et le procès s’ouvre en 2020, mais renvoyé à mai 2021 à cause de l'état de santé de Bernard Tapie. Le procès commence sans lui, car il est hospitalisé. Le 2 juin, le parquet général réclame cinq ans de prison avec sursis et 300 000 euros d'amende pour complicité d'escroquerie et détournement de fonds publics.

Relaxé après son décès

Concernant le procès en appel sur l'affaire de l'arbitrage du Crédit Lyonnais de 2008, mercredi 29 septembre, la Cour d'appel de Paris avait requis cinq ans de prison avec sursis, 300.000 euros d'amende et la confiscation de ses biens. Mais son décès a arrêté automatiquement l'action publique contre lui : il a donc été relaxé. Ces multiples affaires appartiennent désormais à l'histoire.

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