Musique rap : histoire d'un style de plus en plus démocratisé
Longtemps boudé par les Victoires de la musique, le rap a fait une entrée en force lors de l’édition 2024 de la cérémonie. Aya Nakamura a été nommée artiste féminine de l’année et le rappeur Gazo meilleur artiste masculin, ex æquo avec Vianney.
Une belle revanche pour un genre considéré par certains comme marginal ! Un classement publié par ‘Capital’ a révélé la surreprésentation des rappeurs parmi les artistes les plus écoutés en France en 2022.
Le podium est en effet trusté par trois représentants de ce genre musical : l’icône marseillaise Jul, suivi de Ninho et d’Orelsan, tous en vogue depuis des années.
Au total, pas moins de sept rappeurs ou groupes de rap figuraient dans le top 10, avec PNL, Lomepal, Damso et Nekfeu dans les places suivantes. Un signe incontestable de popularité pour ce genre musical !
Chanteuse francophone la plus écoutée dans le monde, Aya Nakamura représentera aussi la France lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques. Une consécration institutionnelle pour un genre entier, au-delà de l’artiste.
La tendance est identique aux États-Unis : dès janvier 2018, le « Billboard H o t 100 », un classement des chansons les plus populaires du moment, comptait une moitié de titres de rap ou incorporant des éléments de hip-hop, indique ‘Time’.
Ce média précise que les écoutes de rap avaient augmenté de 74 % sur Spotify en 2017 et que trois des cinq artistes les plus populaires sur cette plateforme (Drake, The Weeknd et Kendrick Lamar) étaient des rappeurs ou des artistes inspirés par ce style.
Comment le rap, musique à l’origine marginale et protestataire, s’est-il hissé au rang de genre mainstream, et même de style le plus apprécié ? Quelques réponses en images.
Apparu dès la fin des années 1970, le rap est longtemps resté une musique contestataire des deux côtés de l’Atlantique, portant la voix des ghettos américains et des cités en Europe.
Dans les années 1990, des artistes comme Snoop Dogg, Jay-Z ou Eminem aux États-Unis, et MC Solaar et les groupes NTM ou IAM en France, acquièrent une notoriété auprès d’une audience plus large. Les débuts du rap comme musique grand public.
La radio ‘Le Mouv’ rappelle que le rap a remporté « une première bataille dans la deuxième moitié des années 90, en devenant un genre suffisamment vendeur pour que les maisons de disques signent des artistes à la pelle, et pour qu’une radio nationale y consacre son antenne ».
Par ailleurs, les différents genres du rap se sont considérablement diversifiés : rap conscient, rap expérimental, gangsta rap, et aujourd’hui pop urbaine et rap mainstream. Cela lui a permis de toucher des segments de plus en plus étendus du public.
Autre facteur relevé par ‘The Time’ : la facilité technique grandissante pour produire du rap a permis une démocratisation de la création et l’émergence d’un nombre plus élevé d’artistes.
« Il est aujourd'hui plus facile que jamais pour les rappeurs de faire de la musique : créez un rythme sur un ordinateur, ajoutez une note vocale et vous avez les prémices d'une chanson », décrit le magazine américain.
« Ajoutez à cela la puissance des plateformes de streaming comme SoundCloud, Spotify et Apple Music, qui permettent aux fans de découvrir plus aisément les voix émergentes, et il n'est pas surprenant que le hip-hop ait trouvé un nouveau moyen durable de briller », ajoute ‘The Time’.
Enfin, au-delà des clichés sur le bling-bling ou le style gangsta, la variété des thématiques abordées (la foi chez Kendrick Lamar, le mariage chez Jay-Z, sans oublier les sujets politiques) permet aux jeunes de s’identifier plus facilement à ces productions musicales.
Les résultats sont là, puisque le rap/RnB est le deuxième genre le plus populaire en France en 2023 (écouté par 40% des adultes), derrière la variété/pop (48%), mais devant le rock (39%), la musique classique (22%) et le jazz/blues (18%), selon une enquête citée par ‘Statista’.
Comme le note ‘Mouv’, les principaux rappeurs français (Orelsan, Vald, Damso) occupent peu le terrain médiatique et espacent leurs sorties pour ne pas lasser le public, dont l’attente se tourne alors vers des artistes plus underground. Un retour aux sources pour un genre né dans les marges de la société ?