Françoise Hardy : une icône engagée qui a marqué l'histoire de la musique
Françoise Hardy est considérée largement comme une icône de la chanson française, mais a aussi été présente récemment dans les médias pour son combat en faveur de l'euthanasie. Il faut dire qu'à la fin de sa vie, la chanteuse s'est battue pendant de longues années contre la maladie et a milité pour la possibilité d'accéder à une mort digne. Elle est finalement décédée à l'âge de 80 ans.
Françoise Hardy se battait depuis plusieurs années contre un cancer du système lymphatique et un cancer du pharynx. Épuisée par la souffrance, elle avait interpellé Emmanuel Macron sur la légalisation de l'euthanasie en France, dans une lettre poignante publiée en décembre 2023.
Dans cette lettre, elle évoquait son envie de mourir dans la dignité. Un souhait que la chanteuse partageait avec de nombreux autres patients. "J'ai séjourné dans une clinique pour un cancer, et j'étais à l'étage où il n'y avait que des cancéreux, dont plusieurs en étaient à leur deuxième ou troisième récidive et n'en pouvaient plus", expliquait-elle. "Tous regrettaient que l'euthanasie ne soit pas légalisée, car ils avaient conscience de souffrir inutilement."
Pour Françoise Hardy, une législation de l'euthanasie en France permettrait "aux Français très malades et sans espoir d'aller mieux, et de faire arrêter leur souffrance quand ils savent qu'il n'y a plus aucun soulagement possible", écrivait-elle. "Nous comptons sur votre empathie", avait-elle lancé à l'attention du président de la République.
Quelques jours auparavant, l'interprète de "Comment te dire adieu" avait déclaré à Paris Match qu'elle vivait un "cauchemar" et souhaitait "partir bientôt et de façon rapide, sans de trop grosses épreuves, comme l’impossibilité de respirer".
Dans une interview accordée à RTL en janvier 2023, Françoise Hardy s'était confiée sur le calvaire qu'elle endurait : "Les 45 radiothérapies que l'on m'a envoyées de gauche à droite du bas de la tête et les 10 autres de haut en bas ont détruit ce qui me permet d'irriguer la bouche, la gorge, le nez, les oreilles, les yeux et le cuir chevelu. Je vous laisse imaginer les problèmes incurables que cela pose."
Parmi les effets secondaires de ses traitements : détresses respiratoires, assèchement généralisé, quintes de toux, surdité partielle, obstructions et hémorragies nasales. Selon ses mots, son quotidien était rythmé par les allers et venues des soignants et des aides pour faire sa toilette, et la chanteuse mettrait des heures pour s'alimenter.
Rendons ensemble hommage à cette grande dame de la chanson française en retraçant sa carrière, qui s'est étendue sur plus de 60 ans...
Françoise Hardy est née en janvier 1944 à Paris. Elle est la fille d’une mère aide-comptable, Madeleine Hardy, et d’un homme issu d’une famille bourgeoise de Blois et déjà marié. Il n’est pas présent et ne reconnaîtra Françoise et sa sœur que des années plus tard. Leur mère les élève donc toutes les deux dans un petit deux-pièces.
Sa mère achète une radio dans les années 60. La jeune Françoise tombe sur une station anglaise, Radio Luxembourg. Elle y découvre la musique rock n’ roll et la pop musique. Alors, à 16 ans, elle demande une guitare comme récompense pour l’obtention de son premier bac.
Alors qu’elle est en première année d'études à la Sorbonne pour suivre des cours d’allemand, elle tombe sur une annonce dans le journal France Soir. Une maison de disques souhaite recruter de jeunes talents. Elle passe l’essai, mais sans suite. Elle décide donc de s’inscrire au Petit Conservatoire de la chanson de Mireille.
Elle se présente peu de temps après au label Vogue, qui compte entre autres Johnny Hallyday dans son catalogue. Jacques Wolfsohn, éditeur de musique, lui propose un contrat. Il lui demande en revanche de se perfectionner et lui donne des cours de solfège.
En 1962, "Mademoiselle Hardy" fait son premier passage télévisé sur la chaîne RTF (Suisse), dans l'émission "En attendant leur carrosse". Elle y interprète "La Fille avec toi". Peu de temps après, elle enregistre son premier 45 tours, sur lesquels sont enregistrées quatre chansons. La jeunesse de l’époque adore son disque, les 2 000 exemplaires mis en vente sont tous vendus en trois mois.
Françoise Hardy est révélée au grand public le soir de l’élection présidentielle d’octobre 1962. En attendant les résultats, l’émission est entrecoupée d'interludes musicaux. Elle y apparaît et chante "Tous les garçons et les filles". Les jours qui suivent, la chanson devient un tube et à la fin de l’année, le titre s’est vendu à 500 000 exemplaires.
En 1963, elle fait la Une de Paris Match. Son succès, Françoise le doit à ses talents d’écriture et de composition. La chanteuse représente ensuite Monaco au Concours Eurovision de la chanson avec "L’Amour s’en va". Elle se classe à la cinquième place. Elle est alors remarquée par Roger Vadim qui la fait tourner dans "Château en Suède", adaptation théâtrale de la pièce de Françoise Sagan.
En 1963, elle participe à un "Musicorama" au côté de Richard Anthony, organisé par Europe 1 à l’Olympia. Elle y restera huit semaines.
La même année, son album est en tête des ventes durant onze semaines et atteint le million de disques vendus. La chanson "Tous les garçons et les filles" est traduite en italien sous le titre "Quelli della mia età" et connaît le même succès qu’en France. Elle commence à écrire des chansons en italien pour des films musicaux. En Angleterre, elle connaît également la gloire pour une reprise d’un standard américain, "Catch a Falling Star". Sa popularité atteint l’Espagne, les Pays-Bas, le Canada, le Japon et les États-Unis. Ces derniers publient d’ailleurs un reportage illustré de quatorze pages de la chanteuse dans le magazine de Vogue.
Elle enchaîne les chansons à succès. Citons : "Le temps de l'amour" d'André Salvet et Lucien Morisse, sur un air de Jacques Dutronc, "Ton meilleur ami", "Mon amie la rose", "Dans le monde entier" ou "L’amitié".
Françoise Hardy est certes une icône de la chanson, mais devient aussi une icône de la mode. Elle porte des minijupes, des boots blanches, le tout derrière son éternelle frange de cheveux. Son image évolue grâce à son compagnon, le photographe Jean-Marie Périer. Elle devient ambassadrice auprès de plusieurs couturiers : André Courrèges, Yves Saint Laurent ou Paco Rabanne.
En 1967, elle confirme son succès en Angleterre avec deux adaptations de ses chansons en anglais, "However Much" ("Et même") et "All Over the World" ("Dans le monde entier"). Elle rencontre le même succès en Allemagne avec la chanson "Frag’ den Abendwind".
En 1965, elle se produit au cabaret de l’hôtel Savoy à Londres, où elle rencontre les Rolling Stones et les Beatles. Puis elle enchaîne avec le tournage du film "Une balle au cœur", de Jean-Daniel Pollet. Elle fait un deuxième passage au Savoy de Londres en portant l'emblématique smoking pour femme, créé par Yves Saint Laurent. Elle enchaîne avec le tournage de "Grand Prix", grosse production qui suit différentes courses automobiles. À l’occasion de la promotion du film, la Warner diffuse ses disques sur le marché américain.
En 1967, elle crée sa propre maison de disques, "Asparagus" et signe un contrat avec Vogue pour la distribution. En 1967, elle invite quelques amis dans sa maison de Corse, dont Jacques Dutronc. Les deux jeunes gens se mettent en couple. Ce sera le début d’une longue histoire d’amour qui durera jusqu’aux années 1990. Elle lui dédiera plusieurs chansons, dans lesquelles elle se confie sur les différentes infidélités de son compagnon.
La même année, elle se produit pour la quatrième fois au cabaret du Savoy de Londres. Pour l’occasion, Paco Rabanne lui crée une combinaison métallique. Il lui concevra aussi "la mini-robe la plus chère du monde", faite de plaquettes d’or incrustées de diamants, qu’elle porte lors de l’inauguration de l'Exposition internationale de diamants, le 15 mai 1968. Mais la révolte étudiante gagne du terrain : son directeur artistique lui conseille de s’éloigner de la capitale et elle part dans sa maison de Corse avec Jacques Dutronc.
C'est l'occasion pour la chanteuse de remettre en cause son contrat concernant la société Asparagus. Un procès entre les deux parties commence. Comme les tournées sont temporairement arrêtées, elle engage son temps libre à des cours de psychologie puis d’astrologie. Elle commence à se passionner pour ce domaine après avoir consulté le célèbre astrologue André Barbault.
En 1968, son neuvième album en français lui apporte de nouveau le succès, notamment grâce à la chanson éponyme que lui écrit Serge Gainsbourg, "Comment te dire adieu". Dans le même temps, elle gagne son procès contre Asparagus mais ses divergences avec ses associés la poussent à rompre son contrat avec Vogue en 1969.
Si sa chanson "Comment te dire adieu" la classe au sommet du hit-parade, elle décide tout de même qu’elle ne se produira plus sur scène. Elle ne se montre que sur les plateaux de télévision, en play-back. En 1969, elle perd son procès face à Vogue : ces derniers sont déclarés propriétaires des chansons produites entre 1962 et 1967. Elle fonde donc sa propre société de production "Hypopotam" puis sa propre société d'édition "Kundalini" afin de protéger ses textes.
Nouvellement productrice, elle signe quatre albums : la compilation "Françoise", l’album "Soleil", "La Question" en 1971, puis de "Et si je m'en vais avant toi" en 1972. Ces derniers ne rencontrent qu’un succès sommaire. Dans le même temps, elle continue de se passionner pour l’astrologie et de se former auprès d’astrologues reconnus.
En 1973, elle décide de changer de registre. Elle collabore alors avec l'auteur-compositeur Michel Berger. Après la naissance de son fils Thomas Dutronc, elle enregistre avec Berger l’album "Message Personnel". Ce sera un large succès et l’album marquera son retour. Puis en 1974, elle collabore avec l’astrologue Jean-Pierre Nicola pour une revue spécialisé.
Elle devient experte en astrologie et commence à animer une émission sur Radio Monte-Carlo. Elle apparaît aussi dans le film de Claude Lelouch "Si c’était à refaire", où elle chante "Femme parmi les femmes".
En 1978, Gabriel Yared et Michel Jonasz lui écrivent trois albums, plutôt orientés vers le Jazz et la Funk. Elle connaît un véritable rebond de popularité et attire aussi un public plus jeune. Elle n’aime pourtant pas ses dernières chansons, qui ne lui correspondent plus selon elle. Puis en 1981, elle épouse celui pour qui elle restera l'amour de sa vie, Jacques Dutronc.
Au début des années 1980, elle commence à se passionner pour la graphologie, méthode qui permettrait de comprendre les traits de la personnalité d’une personne, par l’analyse de son écriture manuscrite. Elle co-anime avec graphologue Anne-Marie Simond une nouvelle émission radio : "Entre les lignes, entre les signes". Peu de temps après, elle sort l’album "Quelqu'un qui s'en va". Pour ce dernier, elle apparaît les cheveux courts, dans le clip "Tirez pas sur l'ambulance". Elle sort ensuite deux 45 tours : "Moi vouloir toi", composé par Louis Chedid en 1984, et "V.I.P." en 1986.
Photo : Émission "A la folie, pas du tout" en 1986
Après vingt ans de carrière, en 1988, Françoise Hardy décide d’arrêter la chanson, annonçant que "Décalages" sera son dernier album. L’album devient disque d’or en quelques semaines. Pourtant, elle ne veut pas rompre avec le milieu musical. Alors, elle écrit "Fais moi une place" pour Julien Clerc, mais aussi d’autres chansons pour des artistes comme Patrick Juvet, Viktor Lazlo et Jean-Pierre Mader. Elle continue de participer à des albums caritatifs, des albums collectifs ou des collaborations occasionnelles.
Françoise Hardy écrit plusieurs ouvrages d’astrologie. Dans le même temps, elle anime une émission quotidienne sur RMC sur le sujet. Mais en 1994, motivée par Fabrice Nataf, directeur artistique, et par Étienne Daho, elle accepte d’enregistrer un nouvel album. Elle se tourne vers une maison de disques qui se fait encore discrète à l’époque, Virgin. Son nouvel album "Le danger" est encensé par la critique, mais les ventes ne décollent pas.
Après plusieurs années de silence, elle sort "Clair-obscur" en 2000, où son fils Thomas Dutronc l’accompagne à la guitare sur plusieurs morceaux. Elle y chante une reprise de Mireille "Puisque vous partez en voyage" avec Jacques Dutronc. L’album sera sacré disque d’or et nommé "meilleur album de l’année" aux Victoires de la musique de 2001. Par la suite en 2003, elle écrit "Les Rythmes du zodiaque", livre consacré à l’astrologie et qui connaîtra un franc succès.
En 2004, sa vie bascule. Françoise Hardy est atteinte d’un lymphome du MALT. Pourtant, elle décide tout de même de sortir un nouvel album auquel son fils collabore là encore, "Tant de belles choses". Elle est de nouveau sacrée disque d’or et élue artiste interprète féminine de l'année aux Victoires de la musique de 2005.
En 2006, la chanteuse reçoit la grande médaille de la chanson française, décernée par l'Académie Française. Elle sort dans le même temps l’album "Parenthèse", où elle interprète des duos avec entre autres avec Julio Iglesias, Henri Salvador, Alain Souchon ou Alain Delon. L’album sera certifié disque de platine, seulement cinq mois après sa sortie. Sur cette photo on la voit avec -M- (Matthieu Chedid).
En 2008, Françoise Hardy sort ses mémoires, "Le désespoir des singes… et autres bagatelles". Il fera partie des meilleures ventes de l’année. Elle y raconte notamment l’euthanasie de sa mère ou les infidélités de Jacques Dutronc.
En 2012, Françoise Hardy fête le jubilé de son premier album, "Tous les garçons et les filles". Pour fêter ce dernier, elle publie un roman et sort un album : tous deux sont nommés "L'amour fou". Puis en 2013, pour les 40 ans de l’album "Message personnel", ce dernier est réédité dans un coffret anniversaire.
En 2014, alors qu’elle fête ses 70 ans, Françoise Hardy explique qu’elle a beaucoup de mal à prévoir la suite de sa carrière musicale. Voilà dix ans qu’elle se bat contre le cancer et n’a pas la force de retourner en studio.
Dans "Un cadeau du ciel", livre qu’elle écrit et qui paraît en 2016, elle raconte sa vie avec la maladie, mais se confie aussi sur sa vision de l’amour, de l’amitié, de la spiritualité et la médecine quantique. Puis, en 2017, elle sort son 28ᵉ album, "Personne d’autre".
En 2019, elle se confie sur RTL : elle est de nouveau atteinte d’un cancer et le traitement l’a rendue sourde d’une oreille. Il lui est impossible de chanter.
C'est finalement avec ces mots, publiés dans la soirée du mardi 11 juin 2024, que son fils, Thomas Dutronc, a annoncé la triste nouvelle du décès de Françoise Hardy sur les réseaux sociaux, après de longues années de combat contre la maladie.
Photo : @thomas.dutronc / Instagram
La chanson française pleure encore aujourd'hui la perte de l'une de ses icônes. Nul n'oubliera Françoise Hardy, sa douce voix, sa beauté naturelle et ses positions tranchées. Adieu l'artiste !