Emmanuel Macron annonce l’entrée au Panthéon de Robert Badinter
« Il était une âme qui crie, une force qui vit et arrache la vie aux mains de la mort. » Mercredi 14 février, Emmanuel Macron a salué la mémoire de l'ancien ministre Robert Badinter, lors d'un hommage national organisé sur la place Vendôme, à Paris.
Père de l'abolition de la peine de mort en France, Robert Badinter est décédé le 9 février dernier, à l'âge de 95 ans. « Votre nom devra s'inscrire aux côtés de ceux qui ont tant fait pour le progrès humain et pour la France et vous attendent, au Panthéon », a annoncé la chef de l'État pendant son discours devant le ministère de la Justice.
Selon les informations de l'AFP, la famille de Robert Badinter aurait donné son accord pour son entrée au Panthéon. « Le principe est acté. Il y aura une cérémonie de panthéonisation », a confié l'entourage du président de la République auprès de l'AFP. « La date et les modalités sont à discuter avec la famille. »
Sur la photo, Elisabeth Badinter aux côtés d'Emmanuel Macron pendant l'hommage national.
Il existe trois manières d'inscrire un nom au Panthéon : une plaque, un cénotaphe (c'est-à-dire un cercueil qui ne contient pas le corps), ou une inhumation.
« C'est, comme toujours, un choix qui appartient à la famille et uniquement à la famille », a précisé l'entourage d'Emmanuel Macron via France Inter. « Le temps leur appartient également. » Pour l'instant, aucune échéance n'a été évoquée.
Ministre de la Justice sous François Mitterrand, ses combats et son éloquence ont fait progresser le droit et le sens de l'humanité, jusqu'à en faire une figure marquante de l'Histoire de la République française.
Né le 30 mars 1928 à Paris, Robert Badinter a grandi dans une famille juive émigrée de Bessarabie (actuelle Moldavie). En 1943, son père est arrêté par la Gestapo lors de la rafle de la rue Sainte-Catherine, et meurt peu de temps après au camp de Sobibór (Pologne). Pendant cette période obscure, Robert Badinter fuit en Savoie avec sa mère et son frère.
C'est dans ce contexte familial que Robert Badinter débute quelques années plus tard des études de lettres et de droit à l'Université de Paris. Il devient avocat au barreau de Paris en 1951.
En 1965, il obtient l'agrégation de droit privé, et devient professeur dans plusieurs universités françaises. En parallèle, il ouvre avec Jean-Denis Bredin le cabinet d'avocat Bredin Prat.
Tout au long de sa carrière, Robert Badinter a défendu des personnalités comme Brigitte Bardot, Charlie Chaplin, Sylvie Vartan, ou Coco Chanel, et de grandes entreprises, mais aussi de célèbres malfrats. Au début des années 1970, une affaire va bouleverser la suite de sa carrière.
En 1972, Robert Badinter est l'avocat de Roger Bontems, jugé pour complicité de deux assassinats. Alors qu'il n'est pas considéré comme l'auteur des faits, l'homme est condamné par la Cour d'assises à la peine de mort. Cet évènement va marquer le début de son long combat contre la peine capitale.
Cinq ans plus tard, il évite la peine de mort à Patrick Henry, accusé d'avoir tué un petit garçon de sept ans. Ses plaidoiries sauvent la vie de plusieurs autres condamnés à mort dans les années qui suivent.
Suite à l'élection présidentielle de François Mitterrand en 1981, Robert Badinter est nommé ministre de la Justice. C'est à ce poste qu'il présente le 17 septembre 1981 à l'Assemblée nationale le projet de loi pour abolir la peine de mort. Adoptée en 1981, cette loi est depuis 2007 inscrite dans la Constitution française.
Après son passage au gouvernement, Robert Badinter est nommé président du Conseil constitutionnel, de 1986 à 1995.
En septembre 1995, il devient sénateur socialiste des Hauts-de-Seine, et sera réélu en 2004 pour un nouveau mandat.
Après la fin de son mandat de sénateur, Badinter est resté très actif dans le monde juridique et politique. Il a par exemple créé un cabinet de consultations juridiques, il a continué à écrire de nombreux livres (dont son dernier, La Démocratie illibérale, qui sortira en 2024), ou encore, a travaillé sur la réforme du Code du travail pendant le quinquennat de François Hollande.
Comme le dit le proverbe, "derrière chaque grand homme se cache une femme". Tout au long de sa carrière, Robert Badinter a pu compter sur le soutien d'Élisabeth Badinter, une philosophe et écrivaine qu'il a épousé en 1966. Ensemble, le couple a eu trois enfants : Judith, Simon et Benjamin.
Depuis l'annonce de sa mort le vendredi 9 février, les hommages du monde politique pleuvent en France. Tout l'échiquier politique français a tenu à saluer sa mémoire, preuve de l'impact significatif qu'il a eu dans le pays.
« En siégeant à ses côtés au Sénat, j'ai tellement admiré Badinter ! C'était un orateur qui faisait vivre ses mots comme des poésies. Il raisonnait en parlant et sa force de conviction était alors sans pareille. Peu importe les désaccords. Je n'ai jamais croisé un autre être de cette nature. Il était tout simplement lumineux », a écrit le leader de LFI Jean-Luc Mélenchon sur son compte X.
L'ex-président de la République, François Hollande, a également rendu hommage à l'ancien Garde des Sceaux sur France 3 : « Il s'est engagé dans cette lutte, dans ce combat contre la peine de mort. Combat non pas pour les condamnés, mais pour la dignité humaine. C'était ça son message. Ensuite, il l'a poursuivi comme président du Conseil constitutionnel. C'était un homme qui voulait que le droit puisse l'emporter sur la force. »
« C'était un esprit distingué, cultivé, ayant le courage de ses indignations. Pour plusieurs générations, il aura été un inspirateur », a souligné auprès de l'AFP le président du MoDem François Bayrou, pour qui Badinter était « un repère et une référence ».
« Avec la disparition de Robert Badinter, une grande voix humaniste française s’éteint. Son combat courageux pour l’abolition de la peine de mort restera un moment fort de notre histoire. J’adresse mes condoléances affectueuses à Elisabeth Badinter et à sa famille », a déclaré Valérie Pécresse (LR), sur son compte X.
De son côté, la présidente du Rassemblement National Marine Le Pen a posté le message suivant sur ses réseaux sociaux.« On pouvait ne pas partager tous les combats de Robert Badinter, mais cet homme de convictions fut incontestablement une figure marquante du paysage intellectuel et juridique. J’adresse mes condoléances à son épouse et à sa famille. »
Par ailleurs, l'ancienne garde des Sceaux sous Nicolas Sarkozy et l'actuelle ministre de la Culture, Rachida Dati, a écrit sur son compte X : « En accomplissant ce qu’Hugo et Camus avaient rêvé, Robert Badinter est entré dans l’histoire. Abolir la peine de mort, comme garde des Sceaux, était le combat de sa vie. Ce sera à jamais l’un de nos plus grands héritages. Nous n'oublierons jamais Robert Badinter, son ardeur, la force de sa conviction, sa soif inébranlable de justice. »
« Aujourd'hui, nous avons perdu un géant de la dignité humaine, un intellectuel, un homme d'État d'envergure mondiale », a réagi l'Unesco sur ses réseaux sociaux. Les témoignages émus expriment unanimement la reconnaissance de sa contribution à la vie publique. La France pleure la perte d'un grand Monsieur.