Eddy Mitchell : vie et œuvre d’un monstre sacré du rock
Eddy Mitchell a eu 80 ans ce dimanche 3 juillet ! Un âge décisif pour un rocker qui a bercé toute une génération de fans français depuis les années 1960. Retrouvez notre portrait en images de ce monstre sacré de la variété française.
Né le 3 juillet 1942 à Paris sous le nom de Claude Moine, le futur chanteur grandit dans un milieu modeste et se passionne dès l’adolescence pour un genre de musique émergent, le rock’n roll, et pour la culture américaine – il est aussi fan de westerns. C’est le rocker américain Gene Vincent (au premier plan sur la photo) qui suscitera définitivement sa vocation.
Sa première apparition sur scène date de 1957, lorsqu’il chante pour les employés du Crédit Lyonnais où il a lui-même un petit job. Il passe ses journées à écouter des disques américains à son travail, dont les locaux sont situés tout près du Golf-Drouot, le temple du rock. Il commence ensuite à se produire de plus en plus souvent dans des bals. Une vocation précoce !
Claude Moine choisit à l’époque le pseudonyme « Eddy Mitchell » car il pense qu’un nom américain est plus vendeur pour faire du rock. Le prénom Eddy est inspiré du chanteur Eddie Constantine. Il gardera toute sa vie ce nom de scène.
Inspiré par le succès naissant de Johnny Hallyday, il forme à la même époque le groupe les « Five Rocks », considéré rétrospectivement comme le premier groupe de rock’n roll en France. Le groupe signe un contrat avec la maison Barclay en 1960 et un premier disque sort l’année suivante. Le producteur Eddie Barclay renomme le groupe les « Chaussettes Noires » pour respecter un accord promotionnel avec une entreprise textile.
Après s’être marié et avoir triomphé au Premier festival international de rock à Paris, en 1961, Eddy Mitchell est appelé sous les drapeaux. Les enregistrements avec son groupe se poursuivent au rythme des permissions et Eddy se produit sur scène pendant son service militaire, seul ou avec ses compères des « Chaussettes Noires » en fonction de leurs obligations.
Libéré de ses devoirs militaires, Eddy Mitchell enregistre deux albums solo en 1963 : « Voici Eddy… c’était le soldat Mitchell », puis « Eddy in London » à Londres. Souhaitant poursuivre sa carrière seul, il se sépare à la fin de l’année de son groupe, une rupture qui sera à l’origine d’un long procès.
Marié à Françoise Lavit, le rocker a eu deux enfants avec son épouse : Eddy, né en 1962, aujourd’hui journaliste cinéma, et Marilyne, née en 1965, qui dirige aujourd’hui le groupe « Maryline and the Family » sur les traces de son illustre père. Il aura une autre fille, Pamela (sur la photo), en secondes noces en 1982. Mais sa vie privée est restée moins tapageuse que celle de son éternel comparse Johnny.
Tout en restant très marqué par le rock, le style musical d’Eddy Mitchell évolue progressivement vers le rythm’n blues et la soul dans les années 1960. Son style vestimentaire évolue aussi vers une apparence plus sobre, dans le but de conquérir un public adulte et pas seulement adolescent.
Après une période d’errance musicale durant laquelle il essaie des genres musicaux très variés, Eddy Mitchell retourne aux sources de son succès, le rock’n roll, en voyageant à Nashville, la capitale américaine du rock. Le succès revient avec les albums « Rocking in Nashville » (1974), « Made in USA » (1975) et « Sur la route de Memphis » (1976).
Ce moment de succès ne doit rien au hasard, car la culture pop américaine, notamment la musique rock, a été la principale source d’inspiration d’Eddy Mitchell tout au long de sa carrière de chanteur. Il a repris des titres de nombreux artistes américains, comme Elvis Presley, Jerry Lee Lewis ou Chuck Berry (sur la photo), qu’il a contribué à populariser en France.
L’amour que le chanteur porte à l’Amérique a été payé de retour, puisqu’en 1975, il a été fait citoyen d’honneur du Tennessee (l’État dans lequel se trouve Nashville), ambassadeur du Tennessee en France et rien moins que shérif de Nashville.
Sans délaisser complètement le rock, Eddy Mitchell évolue vers un style plus crooner au début des années 1980. C’est à cette époque qu’il produit et chante certains de ses titres restés dans la légende, comme « Couleur menthe à l’eau » ou « Le Cimetière des éléphants ».
Johnny Hallyday et Eddy Mitchell ont été pendant des décennies deux amis, deux complices et deux rivaux sur la scène rock française. Ce dernier est resté proche de David Hallyday et de Laura Smet, les deux premiers enfants de Johnny. Mais Eddy Mitchell n’a jamais oublié le jour où Johnny a jeté sur scène une guitare de collection à 30 000 dollars qu’il lui avait rapportée de Nashville…
Eddy Mitchell a dû faire certains excès pour tenir la cadence des enregistrements et des tournées, mais il a aussi été un joueur invétéré, passant des journées entières à la table de poker. En 1983, il a décidé de se faire interdire de casino pour rompre avec cette terrible addiction.
Dans les années 1980, la star du rock apparaît de plus en plus souvent au cinéma et à la télévision. De 1982 à 1988, il présente l’émission « La Dernière Séance » sur FR3, dont le nom est inspiré d’une de ses chansons. Ce programme télévisé est consacré à la redécouverte des grands classiques du cinéma hollywoodien, qui ont marqué la jeunesse du chanteur et qui sont selon lui trop peu rediffusés dans les salles françaises.
Des années après, Eddy Mitchell a raconté à ‘L’Express’ qu’il avait refusé la légion d’honneur que lui avait proposée François Mitterrand. Mais il a été décoré de l’ordre des Arts et des Lettres.
Chanteur, acteur, présentateur télé… Eddy Mitchell est moins connu comme écrivain mais il a tout de même publié plusieurs livres, comme le roman autobiographique « P’tit Claude » , paru en 1994, qui raconte la jeunesse parisienne d’un retraité du music-hall.
Sa consécration au cinéma viendra de son rôle dans « Le Bonheur est dans le pré », en 1995. Eddy Mitchell joue le meilleur ami d’un chef d’entreprise interprété par Michel Serrault, qui profite d’un quiproquo pour changer radicalement de vie. Sa prestation lui vaudra le César du meilleur acteur dans un second rôle l’année suivante.
Appuyé par son parolier Pierre Papadiamandis, Eddy Mitchell ne cesse de sortir de nouveaux albums et fait plusieurs nouvelles sessions d’enregistrement aux États-Unis. Mais il réalise sa toute dernière tournée solo, intitulée « Ma dernière séance », en 2010-2011.
Cette tournée et le concert qu’il donne à l’Olympia lui rapportent une cinquième récompense aux Victoires de la musique, cette fois pour le meilleur concert de l’année. Il avait déjà été distingué dans cette catégorie en 1992 et 1995.
En 2014, Eddy Mitchell forme avec ses deux vieux compères Johnny Hallyday et Jacques Dutronc le trio de légende « Les Vieilles Canailles » - en référence à la chanson de Serge Gainsbourg « Vieille Canaille ». Les trois rockers donnent plusieurs représentations au Palais des Sports de Bercy, avant de repartir en tournée en 2017.
Eddy Mitchell a affirmé qu’il pensait souvent à la mort, notamment dans le contexte de la pandémie de Covid-19 où il a joué la carte de la prudence. Cité par ‘Le journal des femmes’, il a déclaré à ce propos en 2020 : « Le covid est une maladie qui me fait peur, je suis contre les anti-masques. »
Mais son âge et ses angoisses n’assèchent en aucun cas sa créativité musicale ! En 2021, alors âgé de 79 ans, le chanteur a sorti son trente-neuvième album studio, « Country Rock ». Bientôt un quarantième ? Eddy Mitchell est inépuisable.
Moins tape-à-l’œil que son ami Johnny, Eddy Mitchell ne souhaite pas avoir d’obsèques nationales. Il a déjà tout prévu pour sa propre cérémonie : elle aura lieu en petit comité au cimetière marin de Saint-Tropez. Et l’artiste n’entend pas non plus conserver d’archives. Des adieux modestes pour un chanteur de légende !