Charles Aznavour et les Arméniens qui ont marqué la France
Il y a un peu plus de quatre ans déjà, le 1er octobre 2018, Charles Aznavour s’éteignait à l’âge de 94 ans. Avec lui, c’est un morceau légendaire de la chanson française qui a disparu, mais aussi le membre le plus éminent de la diaspora arménienne en France.
Interprète de chansons comme « Ma Bohème » ou « For me formidable », Aznavour passe pour l’un des plus grands noms de la chanson francophone de la deuxième partie du XXe siècle, aux côtés d’autres légendes comme Georges Brassens ou Jacques Brel. Né à Paris de parents arméniens en 1924, Charles Aznavour a fait rayonner la langue et la musique françaises, mais il est resté proche toute sa vie de son pays d’origine.
Mais Aznavour n’est que le visage le plus connu d’une importante diaspora arménienne en France, qui a contribué au rayonnement du pays dans des domaines aussi variés que le sport, la musique, le cinéma et les affaires. Redécouvrons en images la riche histoire de cette communauté.
Les premiers Arméniens se sont installés en France au XVIIe siècle. Mais l’arrivée la plus massive de la diaspora s’est produite entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle, notamment à Marseille, où vit toujours une communauté importante. Le génocide perpétré par l’Empire ottoman en 1915 a provoqué un afflux massif de réfugiés arméniens vers l’ouest de l’Europe.
Pendant la guerre, Missak Manouchian et le réseau qui porte son nom s’illustrent par leurs actions de résistance sur le territoire français. Né en Arménie au début du siècle, Missak avait émigré en France en 1925 avant de devenir une figure de la résistance intérieure. Après avoir commis de nombreuses actions dans Paris fin 1943, Manouchian a été arrêté et fusillé par les Allemands au début de l’année suivante.
Une success-story et l’un des noms les plus célèbres parmi les Français d’origine arménienne ! Né en 1946 à Marseille de parents qui avaient échappé au génocide, Alain Manoukian a lancé sa propre ligne de vêtements, qui est devenue l’une des principales marques de prêt-à-porter en Europe.
Le patronyme « Manoukian » est l’un des plus courants parmi la diaspora arménienne en France, et celui d’autres personnalités renommées. On peut citer par exemple le jazzman et animateur André Manoukian (sur la photo), ou encore l’ancien joueur de hockey sur gazon Diran Manoukian, mort à 101 ans en 2020.
Prix Goncourt en 1938 pour « L’Araigne », élu à l’Académie française en 1959 et décédé en 2007, Henri Troyat s’appelait à l’origine Lev Aslanovitch Tarassov. Arméniens de Russie, ses parents avaient quitté leur pays pour la France après la Révolution de 1917.
D’origine arménienne par son père, Robert Guédiguian est une figure du cinéma marseillais, célèbre entre autres pour avoir réalisé « Marius et Jeannette ». Cultivant son indépendance et son caractère militant, Guédiguian est connu pour son engagement politique à gauche.
Un autre célèbre réalisateur français d’origine arménienne : Henri Verneuil, alias Achod Malakian, qui avait débarqué avec ses parents à Marseille en 1924. Le cinéma français lui doit quelques chefs-d'œuvre comme « Le Président », « Un Singe en hiver » ou « Le Clan des Siciliens ».
Jamais deux sans trois ! Né à Beyrouth d’un père arménien et d’une mère grecque, Alain Berbérian a vu sa carrière dans le cinéma lancée par Les Nuls, alors qu’il était monteur à Canal+. Réalisateur du film-culte « La Cité de la peur » avec le trio d’humoristes, il est revenu ensuite avec d’autres comédies comme « Le Boulet » ou « L’Enquête corse ».
Frère cadet d’Alain, Charles Berberian est un auteur et illustrateur de bande dessinée actif depuis les années 1980. Il a été récompensé pour plusieurs albums, comme « Le Journal d’Henriette » ou « Monsieur Jean ».
C’est aussi dans la musique que les Français d’origine arménienne, et pas seulement Charles Aznavour, ont fait éclater leur talent. Fils d’un père chef d’orchestre et d’une mère arménienne elle-même issue d’une famille de musiciens, Michel Legrand s’est fait connaître comme jazzman, mais surtout comme compositeur pour le cinéma français (« Peau d’âne », « Les Parapluies de Cherbourg ») puis hollywoodien, ce qui lui a valu de remporter trois Oscars.
Le chanteur Patrick Fiori a pris le nom de famille de sa mère corse mais son père, Jacques Chouchayan, était arménien. Après sa participation à l’Eurovision en 1993, il est devenu une star grâce à son rôle dans la comédie musicale « Notre-Dame de Paris ».
Une autre musicienne de variété française aux racines arméniennes : Hélène Segara. La chanteuse tient ses origines de sa mère, Thérèse Kasbarian. Après une période de succès dans les années 1990 interrompue par un kyste aux cordes vocales qui lui a fait perdre sa voix, Hélène Segara continue aujourd’hui de chanter pour le bonheur de ses fans.
Le milieu politique compte aussi son lot de personnalités d’origine arménienne. Grâce à la sonorité de son nom, on pense immédiatement à Patrick Devedjian. Ancienne figure de la droite et ministre sous Jacques Chirac puis Nicolas Sarkozy, il a été le premier homme politique français à décéder du Covid-19 en 2020.
Issu d’une famille d’origine arménienne installée à Smyrne (aujourd’hui Izmir, en Turquie), Édouard Balladur est arrivé en France avec ses parents à l’âge de six ans, en 1935. Après avoir grandi à Marseille et étudié à Paris, il est devenu secrétaire général de l’Élysée sous Georges Pompidou, puis député, ministre et enfin Premier ministre de 1993 à 1995, avant de s’incliner à la présidentielle contre son rival Jacques Chirac.
Cette ancienne figure du patronat français est issue d’une famille de réfugiés arméniens installés, comme souvent, à Marseille. Polytechnicien et dirigeant de grandes entreprises, il a été PDG d’Alcatel de 1995 à 2006. Surtout connu pour avoir théorisé « l’entreprise sans usines » et pour les déboires de son groupe industriel qui a dû massivement fermer des sites de production en France, il est devenu malgré lui un symbole de la désindustrialisation du pays.
Les Français d’origine arménienne, enfin, sont largement représentés dans le monde du sport. L’un des plus célèbres est incontestablement le footballeur Youri Djorkaeff : celui qu’on surnommait « le Snake » a été sacré champion du monde en 1998 et champion d’Europe en 2000 aux côtés de Zinedine Zidane et de Fabien Barthez.
Moins connu que Djorkaeff compte tenu de son statut de remplaçant en Bleu, Alain Boghossian est un autre joueur d’origine arménienne à avoir fait partie de la sélection rentrée dans l’histoire un certain 12 juillet 1998. Il a ensuite été entraîneur adjoint de l’équipe de France.
Né d’une mère arménienne, Marie-Rose Karatchian, Alain Prost est l’un des plus grands coureurs de Formule 1 de tous les temps. Quatre fois champion du monde entre 1985 et 1993, il a remporté un total de 51 victoires en grand prix durant sa carrière. Prost s’est dit marqué par les récits du génocide arménien que lui avait faits sa grand-mère et il a revendiqué la reconnaissance de ce massacre par la Turquie.