Le parcours étonnant d'Adèle Haenel : de débuts prometteurs à l’abandon du cinéma

« Je vous annule de mon monde »
Clap de fin pour une actrice talentueuse
Des débuts précoces
Les Diables
Une expérience douloureuse
Des versions différentes
La Naissance des pieuvres
L’ascension d’une jeune actrice
Son rapport au métier de comédienne
Deux fois césarisée
Des années de succès
Le style Adèle Haenel
Un premier tournant
Son départ de la cérémonie des Césars 2020
Un symbole féministe
Une fracture dans le monde du cinéma
Moins présente à l’écran
L’Empire
 Une industrie réactionnaire, raciste et patriarcale ?
D’autres engagements
Les soutiens de l’actrice
Les réactions du milieu
Quel avenir pour Adèle Haenel ?
« Je vous annule de mon monde »

Alors que le journal ‘Télérama’ se demandait pourquoi Adèle Haenel ne tournait presque plus depuis trois ans, l’actrice a répondu publiquement le 9 mai dans une formule cinglante : « Je vous annule de mon monde ». Une annonce qui a fait couler beaucoup d’encre à une semaine de l’ouverture du Festival de Cannes.

Clap de fin pour une actrice talentueuse

Actrice précoce au talent remarqué, lauréate de deux Césars dont un de la meilleure actrice en 2015, Adèle Haenel a annoncé mettre un terme à sa carrière dans le cinéma à seulement 34 ans. Quelles motivations ont poussé une comédienne aux débuts si prometteurs à abandonner le cinéma ? On rembobine le film.

Des débuts précoces

Née à Paris en 1989, Adèle Haenel débute le théâtre alors qu’elle est encore enfant. Elle obtient son premier rôle dès l’âge de onze ans, dans « Les Diables » de Christophe Ruggia.

Les Diables

Sorti en 2002, le film raconte l’amour i n c estueux entre un frère et une sœur, tous deux adolescents en cavale. Le rôle d’Adèle, celui d’une fille mutique et allergique au contact physique, a nécessité une longue préparation durant laquelle la jeune actrice a été coupée de sa famille.

Une expérience douloureuse

Quelques années plus tard, l’actrice déclarera avoir subi une emprise et un comportement abusif de la part de Ruggia (sur la photo), qui l’auraient plongée dans la dépression et poussée à envisager une première fois d’abandonner le cinéma. Le point de départ d’une longue révolte qui a culminé en 2023.

Des versions différentes

Les avis sont partagés sur le comportement du réalisateur lors du tournage. D’après une enquête de ‘Mediapart’ parue en 2019, des proches de l’actrice ont décrit une « emprise » et un « conditionnement », la monteuse décrivant de son côté une « relation paternelle sans ambiguïté ». La même année, Adèle Haenel a porté plainte contre Christophe Ruggia pour attouchements et harcèlement s e x uel.

La Naissance des pieuvres

Quoi qu’il en soit, son parcours d’actrice s’est poursuivi après « Les Diables ». En 2008, Adèle Haenel a joué la capitaine d’une équipe de natation synchronisée dans « La Naissance des pieuvres », réalisé par sa future compagne Céline Sciamma (à gauche sur la photo) et qui lui a valu une première nomination aux Césars (meilleur espoir féminin).

L’ascension d’une jeune actrice

Les années suivantes, Adèle Haenel connaît une ascension fulgurante. À l’affiche de trois films nominés au Festival de Cannes en 2011, elle est remarquée dans le rôle d’une prostituée de la fin du XIXe siècle, dans « L’Apollonide : Souvenirs de la maison close » de Bertrand Bonello. L’actrice est alors une étoile montante du cinéma d’auteur en France.

Son rapport au métier de comédienne

En parallèle des tournages, Adèle Haenel a suivi des études, n’ayant pas toujours été certaine de vouloir consacrer sa vie au septième art. Mais comme elle l’a avoué dans des propos cités par ‘Le Figaro’ : « J'ai commencé le métier d'actrice en le mettant un peu de côté, comme une forme de confort. Mais c'est tellement plus qu'un métier qu'on ne peut pas se refuser à lui. »

Deux fois césarisée

Et cela valait la peine de persévérer, puisque l’actrice connaît bientôt la consécration : d’abord le César du meilleur second rôle féminin pour sa performance dans « Suzanne » de Katell Quillévéré en 2014, puis celui de la meilleure actrice (et le Prix Romy-Schneider) l’année suivante pour le rôle de Madeleine dans « Les Combattants » de Thomas Cailley.

Des années de succès

Recherchée aussi bien pour sa sensualité que pour sa force physique et de caractère, Adèle Haenel continue d’enchaîner les succès à la fin de la décennie. Le public a notamment pu la voir dans « 120 Battements par minute » de Robin Campillo (2017) et dans « Portrait de la jeune fille en feu » de Céline Sciamma (2019). Rien ne semble alors pouvoir arrêter la comédienne à peine trentenaire !

Le style Adèle Haenel

Les éloges ne tarissent pas sur le style unique de l’actrice, certains critiques voyant même en elle la future Isabelle Adjani. Après l’avoir dirigée, André Téchiné a déclaré à ‘Télérama’ qu’elle « a une telle puissance physique qu'elle donne une impression d'athlète, de géante » et que « graphiquement, elle a quelque chose d'assez surprenant qui n'appartient qu'à elle ». ‘Libération’ s’est enthousiasmé pour une actrice « aussi ronchon qu’extasiée, rigoureuse que rêveuse, masculine que féminine ».

Un premier tournant

L’année 2019-2020 marque un premier tournant dans le parcours d’Adèle Haenel. Fin 2019, elle porte plainte contre Christophe Ruggia après avoir fait des révélations dans ‘Mediapart’ sur le comportement supposé du réalisateur à son égard. Elle commence à cristalliser autour d’elle un mouvement de jeunes actrices post-#MeToo : un engagement qui va faire parler d’elle lors de la cérémonie des Césars 2020.

Son départ de la cérémonie des Césars 2020

La nomination dans de nombreuses catégories du film « J’accuse » de Roman Polanski avait fait polémique début 2020, car son réalisateur était accusé de violences s e x uelles. Citée une nouvelle fois pour le prix de la meilleure actrice, Adèle Haenel quitte brusquement la salle à l’annonce d’une récompense pour « J’accuse », accompagnée de Céline Sciamma et de quelques autres professionnels du cinéma.

Un symbole féministe

Soutenue par l’autrice Virginie Despentes qui publie à cette occasion le pamphlet « On se lève et on se barre », Adèle Haenel devient le symbole d’une nouvelle génération d’actrices féministes résolues à briser l’omerta sur certains agissements dans le milieu du cinéma.

Une fracture dans le monde du cinéma

Mais la polémique manifeste aussi une fracture dans ce milieu, d’autres acteurs (Lambert Wilson, Fanny Ardant, Isabelle Huppert) jugeant cette réaction excessive et souhaitant que l’on puisse séparer l’œuvre du réalisateur des méfaits de l’homme.

Moins présente à l’écran

Volontairement en retrait ou blacklistée dans le milieu du cinéma ? Depuis son départ précipité de la cérémonie des Césars, Adèle Haenel n’a plus joué dans aucun long-métrage de fiction et n’est apparue que dans des documentaires ou au théâtre.

L’Empire

Un rôle lui avait été attribué dans « L’Empire » de Bruno Dumont, dont la sortie est prévue pour cette année. Mais elle a quitté le tournage en mai 2022, jugeant l’univers du film « sombre, sexiste et raciste », dans des propos tenus pour le magazine allemand ‘FAQ’. « Ce mépris est délibéré. Tout comme ils se moquent des victimes, des personnes en situation de faiblesse. », avait-elle ajouté.

Une industrie réactionnaire, raciste et patriarcale ?

Dans la même interview, Adèle Haenel avait déjà annoncé son retrait du monde du cinéma, qu’elle qualifiait d’« industrie réactionnaire, raciste et patriarcale ». « Je ne veux plus en faire partie », avait-elle conclu, tout en admettant avoir tenté de changer les choses de l’intérieur.

D’autres engagements

Tout en continuant le théâtre et en n’excluant pas de jouer pour Céline Sciamma, Adèle Haenel s’est faite connaître par ses engagements politiques ces derniers temps. Soutien de Sandrine Rousseau à la primaire écologiste de 2021, elle s’est rapprochée du parti d’extrême-gauche Révolution permanente et elle a récemment manifesté aux côtés de grévistes contre la réforme des retraites.

Les soutiens de l’actrice

Mais comment le milieu du cinéma a-t-il réagi à la charge récente d’Adèle Haenel ? Son amie l’actrice Noémie Merlant a déclaré à ‘Télérama’ qu’elle était « très admirative de son chemin, que personnellement [elle] n’arrive pas à prendre ». Elle a aussi été soutenue par l’actrice Vahina Giocante (sur la photo) qui a révélé à cette occasion avoir été victime d’i n c este à l’âge de 11 ans.

Les réactions du milieu

Mais les allégations selon lesquelles l’univers du cinéma protégerait les v i o leurs n’ont pas été du goût de tout le monde. En conférence de presse de pré-ouverture à Cannes, le directeur du festival Thierry Frémaux (sur la photo) a qualifié de telles accusations de « fausses et erronées », ajoutant qu’Adèle Haenel « ne pensait pas en ces termes lorsqu’elle venait à Cannes en tant qu’actrice ».

Quel avenir pour Adèle Haenel ?

À seulement 34 ans, Adèle Haenel semble avoir définitivement tourné le dos au milieu du cinéma qui l’avait célébrée dans sa jeunesse, bien décidée à se consacrer à ses engagements politiques et à trouver d’autres formes d’expression artistique. L’avenir dira ce que nous réserve cette actrice de talent doublée d’une femme de convictions !

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