Pourquoi les Français ne remportent-ils plus le Tour de France ?

Il y a 40 ans, Bernard Hinault remportait son cinquième Tour de France, en 1985. Depuis, plus aucun Français n'a remporté la Grande Boucle. Une disette historique : comment l'expliquer ?

Avec 36 victoires, la France est, assez largement, le pays qui a remporté le plus d'éditions du Tour, devant la Belgique (18) et l'Espagne (12). Pourtant, cette domination a soudainement pris fin en 1985.

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La première raison est simple : l'internationalisation du cyclisme. Des nations comme la Belgique, l'Espagne, les États-Unis et plus récemment la Slovénie, ont commencé à rivaliser avec les meilleurs coureurs français, puis à les dépasser.

Le prestige du Tour est tel que, depuis les années 90, les coureurs du monde entier en ont fait leur objectif principal. Ainsi, pour qu'un Français gagne le Tour, il doit battre les meilleurs, car ils seront toujours présents sur la Grande Boucle, ce qui n'est pas toujours le cas du Giro ou de la Vuelta.

Bernard Hinault, dernier vainqueur du Tour, est très clair sur le sujet : « Dans les années 1970, sur le Tour, la moitié des coureurs étaient Français. En 2013, ils ne sont que 33 sur 198... La mondialisation du cyclisme a amené sur le Tour les meilleurs de tous les pays, des États-Unis, d’Australie, des pays de l’Est et bientôt d’Asie. Parmi eux, il y a de vrais "morts de faim" avec lesquels aucun Français ne peut rivaliser sur le plan de la motivation. Les Français doivent oser davantage ! », avait-il expliqué dans un entretien accordé L'Équipe.

Depuis les années 90, le cyclisme est devenu, avant tout, un sport d'équipes. Pour remporter le Tour, il est essentiel d'avoir d'excellents équipiers... et les équipes françaises ne sont pas les meilleures du circuit.

Pascal Chanteur, ancien président du syndicat des coureurs professionnels, expliquait à France Info :  « Construire une équipe en France, c'est plus difficile qu'en Italie, en Angleterre ou en Ukraine. Les règlements, les charges sociales, les statuts coûtent plus cher aux sponsors français, les coureurs ont des salaires beaucoup plus élevés que dans les pays de l'Est ou certains pays moins développés. Du coup, ils ont besoin d'exister toute l'année et pas seulement sur les trois semaines du Tour. »

Avec des budgets plus faibles, et des ambitions plus basses, les équipes tricolores ne sont pas armées pour jouer les premiers rôles, à l'instar d'AG2R La Mondiale ou la Française des Jeux, à la fin des années 2010.

Si les coureurs français ne remportent plus le Tour de France, ce n'est pas pour autant qu'ils ne gagnent plus d'étapes. Hier comme aujourd'hui, les coureurs français sont de redoutables chasseurs d'étapes, notamment en haute montagne.

Bernard Hinault confiait à France Info en 2013 : « Pour gagner le Tour, il ne faut penser qu'à cela, toute l'année. C'est une démarche individuelle, comme celle entamée par Froome depuis deux ans. Les meilleurs Français, comme Pinot, Rolland, Chavanel ou Voeckler peuvent lutter ponctuellement avec les meilleurs, mais pas viser la victoire finale. On les prépare pour des gros coups ponctuels : une victoire d'un jour, c'est plus facile que de briller pendant trois semaines... »

En effet, les coureurs français privilégient (et ont privilégié) des objectifs autres que le classement général du Tour : victoires d'étapes, maillots distinctifs… Seuls quelques leaders tricolores en ont fait leur objectif ces dernières années : Romain Bardet, Thibaut Pinot ou encore Jean-Christophe Péraud.

Depuis les années 90, le contre-la-montre est devenu l'un des juges de paix du Tour. Sauf que, c'est un fait, les Français n'excellent pas dans le domaine. Virenque, Bardet, Pinot, Péraud… Aucun d'entre eux n'a pu rivaliser avec les meilleurs.

Les scandales de dopage, notamment l'affaire Festina en 1998 et Cofidis en 2004, ont profondément marqué le cyclisme français. Ces événements ont conduit à une approche plus stricte et éthique du sport en France… ce qui n'est pas toujours le cas dans d'autres pays.

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Enfin, la dernière raison est la plus simple : les coureurs français n'ont, mis à part Thibaut Pinot en 2019 et Richard Virenque en 1996 et 1997, pas le niveau pour rivaliser avec les meilleurs. La France forme des champions, certes, mais pas des vainqueurs de Grands Tours.

Doit-on être optimiste ? La génération 1990 verra-t-elle un Français s'imposer sur le Tour ? Selon Hinault, il faut être patient : « La chance des Français, c’est que le cyclisme devient plus sain. Les forces s'équilibrent, il y a de bons coureurs chez les jeunes. Si on leur laisse le temps, l’un d’eux pourra peut-être s’imposer sur le Tour. »

Tout comme la Slovénie ne pouvait prévoir l'arrivée de Tadej Pogačar, ou le Danemark celle de Jonas Vingegaard, l'éclosion d'un talent générationnel peut arriver sans crier gare… Il faut croiser les doigts, et mettre les jeunes dans les meilleures dispositions !

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